CAA Versailles, 16 septembre 2014, n° 14VE01826
Le CCE peut agir en annulation de la décision du Direccte
Les dispositions de l’article L. 1235‐7‐1 du Code du travail n’ont ni pour objet, ni pour effet de réserver aux organisations syndicales et aux salariés la possibilité de contester, devant le tribunal administratif, les décisions prises par l’administration du travail de validation d’un accord collectif ou d’homologation d’un document unilatéral dans le cadre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique. Le comité central d’entreprise (CCE), en raison de sa mission de représentation des salariés, a un intérêt lui donnant qualité pour agir contre une décision d’homologation d’un document unilatéral.
Il n’appartient pas à l’administration, dans le cadre de son contrôle, de se prononcer sur la pertinence du périmètre retenu par l’employeur pour justifier de ses difficultés économiques et sur l’existence et le bien fondé du motif économique invoqué par lui, mais il lui revient de s’assurer que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été régulière et que le comité a notamment pu se prononcer, en toute connaissance de cause, sur le motif économique invoqué par l’employeur.
En l’espèce, le motif invoqué pour justifier les 18 licenciements, était une réorganisation du groupe au niveau européen nécessaire pour assurer sa compétitivité. Or, le juge administratif a relevé que la note d’information transmise au CCE « ne comporte aucun élément permettant au CCE de mesurer l’évolution de la compétitivité du groupe au niveau européen puisque les seules données qui y figurent en matière de parts de marché intéressent le seul marché français ».
En réponse à l’injonction de l’administration, l’entreprise a fait parvenir un document complémentaire mentionnant « la fragmentation du portefeuille de produits du groupe au niveau européen et du caractère autonome du marché européen par rapport au marché mondial sur lequel évolue le groupe ». Ainsi, « le CCE de l’entreprise, qui appartient à un groupe mondial comprenant des filiales intervenant dans les mêmes secteurs d’activité au-delà du cadre européen, n’a pas été mis en mesure de se prononcer sur la situation de la compétitivité du groupe et sur la pertinence du périmètre de réorganisation retenu ».
La procédure d’information et de consultation du comité ayant ainsi été menée irrégulièrement, la décision d’homologation du document unilatéral devait être annulée.
Mais, l’argument retenu par le tribunal administratif dans cette affaire pour annuler l’homologation n’a pas été repris par la cour d’appel. Le juge de première instance avait considéré que la décision d’homologation du Direccte n’était pas suffisamment motivée faute de mentionner l’injonction adressée au cours de la procédure à la société, ainsi que la réponse de cette dernière.
D’après la cour d’appel, avant d’homologuer le document unilatéral, le Direccte doit s’assurer que le CE a été suffisamment informé sur les considérations économiques justifiant le projet, pour pouvoir « se prononcer » en toute connaissance de cause.
Le motif invoqué en l’espèce était la nécessaire réorganisation du groupe au niveau européen pour sauvegarder sa compétitivité. Or, constatent les juges, « aucun élément permettant au comité central d’entreprise de mesurer l’évolution de la compétitivité du groupe au niveau européen » n’avait été fourni, seules des données sur le marché français ayant été transmises au comité. Ainsi, le comité central d’entreprise n’a pas été en mesure de se prononcer sur la situation de la compétitivité du groupe et sur la pertinence du périmètre de réorganisation retenu. En homologuant le document unilatéral, le Direccte a méconnu les dispositions de l’article L. 1233‐57-3 du Code du travail imposant à l’administration de s’assurer au préalable de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise.