Cass.soc. 24 septembre 2014 n°13-10.233
Discrimination syndicale : recherche de la preuve par le juge
La Cour de Cassation considère que c’est au juge de rechercher la preuve de la discrimination syndicale en l’absence d’éléments objectifs avancés par l’employeur pour justifier la promotion d’un salarié non protégé par rapport à un salarié protégé.
En l’espèce, M. X…, engagé par l’URSSAF du Bas-Rhin le 1er juin 1989 en qualité d’agent de contrôle des employeurs et devenu inspecteur degré 1 le 1er juillet 1997 et Mme Y…, engagée le 5 juin 1984 en qualité d’agent de contrôle des employeurs et devenue inspectrice degré 1 à compter du 1er mai 2002, respectivement délégué du personnel et membre du comité d’entreprise, ont fait partie des quatre inspecteurs en poste à l’URSSAF du Bas-Rhin promus au niveau 7 avec effet au 1er juin 2009 tandis qu’un autre inspecteur a bénéficié de cette promotion avec effet au 1er mai 2008.
Estimant qu’ils avaient droit à cette promotion avec effet au 1er mai 2008, M. X. et Mme Y. ont saisi la formation des référés du conseil de prud’hommes qui a accueilli leur demande par ordonnances du 16 février 2010.
Le 30 juin 2010, l’URSSAF a fait citer les deux salariés au fond devant la juridiction prud’homale en vue de faire juger qu’ils doivent être classés au niveau 7 à compter du 1er juin 2009.
Le syndicat CFDT Sypsalsace est intervenu volontairement à l’instance.
La Cour d’appel rejette leur demande et les deux salariés se pourvoi en cassation pour discrimination syndicale. Ils considèrent qu’ils auraient dû obtenir une promotion alors même que d’autres salariés non détenteurs de mandat de représentant du personnel avaient été promus avant eux. Mais, malgré le fait que la Cour d’Appel reconnaisse que la situation des deux salariés était une « situation objectivement défavorable » par rapport aux autres et que cela constitue « une présomption de l’existence d’une discrimination indirecte à raison de l’exercice d’une fonction de représentation du personnel », elle retient toutefois que « l’URSSAF du Bas-Rhin renverse cette présomption par la production des pièces qui ont servi à la sélection des candidats et qui révèlent que ce processus s’est fondé uniquement sur des critères objectifs de compétence professionnelle sans que l’appartenance syndicale ou l’activité de représentation du personnel ne soit prise en compte ». Elle conclut que dans la mesure où elle ne peut « se substituer à l’appréciation que l’employeur a faite des qualités professionnelles des inspecteurs candidats à la promotion au niveau 7 », elle ne peut « que constater que le processus de sélection a obéi à des règles strictement professionnelles dont ce dernier [l’employeur] était seul juge sans faire appel à des références prohibées ».
Mais, au visa des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, la Cour de Cassation annule la décision de la Cour d’Appel au motif « qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher si l’employeur apportait la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et, dès lors, de vérifier si en application des critères de compétence professionnelle retenus par l’employeur pour le choix des candidats à la promotion au niveau 7 et des évaluations antérieures des salariés, seul le candidat qui n’exerçait aucun mandat de représentant du personnel devait être promu dès la première année, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation demande, d’une certaine manière, à la Cour d’Appel de vérifier la grille de critères utilisée par l’employeur pour accorder ou non une promotion à ses salariés. Surtout dans une situation qu’elle reconnait objectivement défavorable à des salariés investis de mandats représentatifs, et présumée constituer une discrimination indirecte à raison de l’exercice de leur mandat.