Arrêt de la Cour de Cassation du 02 juillet 2014, n°13-14.622
Un syndicat représentatif catégoriel ne peut négocier et signer seul un accord d’entreprise intercatégoriel, c’est-à-dire intéressant l’ensemble du personnel, quand bien même son audience électorale, rapporté à l’ensemble des collèges électoraux, est supérieure à 30% des suffrages exprimés.
En application du principe de spécialité, un syndicat représentatif catégoriel ne peut négocier et signer seul un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, quand bien même son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, est supérieure à 30% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.
Les syndicats représentatifs catégoriels ne se trouvent pas dans la même situation que les syndicats représentatifs intercatégoriels, tant au regard des conditions d’acquisition de leur représentativité que de leur capacité statutaire à participer à la négociation collective.
En mai 2011, la Cour de cassation a admis qu’un syndicat catégoriel, en l’occurrence la CFE-CGC, puisse participer, aux côtés de syndicats représentatifs intercatégoriels, à la négociation d’un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, sans toutefois se prononcer sur la possibilité de signer seul un tel accord. C’est désormais chose faite. Dans un arrêt du 2 juillet, la Cour de cassation a suivi la logique du principe de spécialité, ce qui interdit à un syndicat catégoriel de signer seul un accord destiné à s’appliquer à l’ensemble du personnel de l’entreprise, quand bien même le nombre de suffrages qu’il a obtenu au premier tour des dernières élections, rapporté à l’ensemble des collèges, lui permettrait d’atteindre la condition de majorité de 30%.
La présente affaire concernait la signature d’un accord d’entreprise sur l’emploi des seniors, par un syndicat CFE-CCC. La CGT soutenant qu’il s’agissait d’un accord intercatégoriel que le syndicat CFE-CGC ne pouvait donc valablement signer seul, en a réclamé l’annulation devant le Tribunal de Grande Instance (TGI). Pour sa défense, le syndicat CFE-CGC a fait valoir qu’un syndicat représentatif catégoriel peut conclure, même seul, un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, dès lors qu’il démontre que, compte tenu des suffrages recueillis au cours des dernières élections, il remplit, tous collèges confondus, les règles de majorité auxquelles est subordonnée la validité de l’accord. Et en l’occurrence, l’audience obtenue lors du premier tour des élections du CE, une fois rapportée aux suffrages exprimés dans l’ensemble des collèges, atteignait 35 % tous collèges confondus. Sans doute parce que l’entreprise comportait une forte population de cadres et agents de maitrise. Le TGI avait accueilli ce raisonnement, avant d’être infirmé par la cour d’appel de Versailles, laquelle a annulé l’accord collectif car cette audience de 35 % ne permet pas de modifier [a capacité juridique que le syndicat tient de ses statuts. La Cour de cassation a donc été appelée à trancher la question, ce qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de faire depuis l’intervention de la loi du 20 ao0t 2008 qui a modifié tout à [a fois les règles d’appréciation de la représentativité et celles relatives à la signature des accords collectifs.
- Prééminence du principe de spécialité
L’arrêt du 2 juillet pose pour principe « qu’en application du principe de spécialité, un syndicat représentatif catégoriel ne peut négocier et signer seul un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, quand bien même son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, est supérieure à 30% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel ». Le débat est donc désormais tranché: un syndicat catégoriel ne peut négocier et signer seul, au nom d’une catégorie de personnel que ses statuts ne lui donnent pas vocation à représenter. Et ce n’est pas parce que le syndicat catégoriel atteint, après recalcul, une audience de 30 % tous collèges confondus, qu’il peut être considéré comme représentatif de l’ensemble du personnel.
En résumé, un syndicat catégoriel peut:
– signer seul ou avec des syndicats intercatégoriels un accord catégoriel
– signer un accord intercatégoriel, mais uniquement avec d’autres syndicats intercatégoriels.
Pour déterminer si l’accord collectif atteint la majorité de 30 %, l’audience électorale du syndicat catégoriel devra être recalculée tous collèges confondus et donc être rapportée à l’ensemble des collèges électoraux.
Rappel : les syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle sont représentatifs dès lors qu’ils recueillent 10% des suffrages exprimés dans les seuls collèges où leurs statuts leur donnent vocation à présenter des candidats. Leur représentativité ainsi établie, ils ont accès aux négociations de tout type d’accord. Ils peuvent signer des accords intercatégoriels avec d’autres syndicats (cass. soc. 31 mai 2011 n°10-14391).