Cass. Soc., 9 juillet 2014, n°13-15.832, F-D:
L’exécution d’un préavis n’est pas incompatible avec la reconnaissance d’une prise d’acte aux torts de l’employeur
Un salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 3 octobre 2009 en reprochant à l’employeur divers manquements dont l’absence de formation et des faits de harcèlement moral. Ce salarié a volontairement effectué son préavis du 5 octobre 2009 au 4 janvier 2010.
Suite à la prise d’acte de la rupture du contrat, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin que la rupture soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel donne droit à la demande du salarié et requalifie la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur se pourvoit alors en cassation au motif que « si la circonstance que le salarié a spontanément accompli son préavis est en principe sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte, il n’en va pas de même lorsque le motif de cette prise d’acte repose sur une accusation de harcèlement moral ». Le salarié a volontairement exécuté son préavis et ne peut donc pas se prévaloir d’un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation de travail de bonne foi ne peut être pénalisé du seul fait d’avoir effectué un préavis suite à une prise d’acte.
Le fait pour un salarié, ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits de harcèlement moral, d’exécuter volontairement son préavis est-il de nature à ne pas permettre la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les faits ne sont pas d’une gravité suffisante ?
Les juges du droit rejettent le pourvoi de l’employeur en confirmant que le fait pour un salarié d’effectuer son préavis après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail n’est pas un obstacle à la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, même si les manquements reprochés à l’employeur sont des faits constitutifs de harcèlement moral.
Commentaire :
Par une série d’arrêts du 26 mars 2014(1), la Haute Juridiction avait précisé que pour qu’une prise d’acte soit justifiée les manquements invoqués par le salarié devaient être d’une gravité telle qu’elle rendait impossible la poursuite du contrat de travail.
Cette solution avait donc mené à se demander si le fait d’exécuter volontairement son préavis n’était pas de nature à démontrer que la situation dans laquelle se trouvait le salarié n’était pas insupportable et donc que les faits qu’il reprochait à son employeur n’étaient pas d’une gravité suffisante pour faire requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par cet arrêt du 9 juillet 2014, la Cour de cassation met fin à ces doutes et confirme une position constante selon laquelle l’exécution du préavis est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués par le salarié(2).
La souplesse de la Cour de cassation dans l’interprétation des principes relatifs à la prise d’acte peut sembler incohérente avec l’esprit même de ce mode de rupture.
(1) Voir, notamment, Cass. Soc., 26 mars 2014, n°12-23.634
(2) Cass. Soc., 2 juin 2010, n°09-40.215