Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 13-14.970
Alerte des délégués du personnel : pas besoin de mandat pour agir en justice
Un délégué du personnel qui agit en justice dans le cadre de son droit d’alerte n’a pas besoin d’un mandat exprès des salariés concernés. Il doit seulement les avoir individuellement avisés de l’introduction de l’instance, à laquelle ils ne se sont pas opposés.
Une des missions des délégués du personnel est de veiller au respect des droits des personnes et des libertés individuelles dans l’entreprise. A ce titre, ils disposent d’un “droit d’alerte” leur permettant de tirer la sonnette d’alarme auprès de l’employeur, et si c’est encore insuffisant, de saisir le conseil des prud’hommes au nom des salariés concernés.
Mais des conditions sont à respecter pour agir en justice.
Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
En l’espèce, une entreprise est accusée “d’atteintes graves aux personnes commises sur cinq salariés au cours d’un mouvement de grève”.
Un délégué du personnel saisit le conseil de prud’hommes afin qu’il ordonne une enquête et que soient prises les mesures propres à faire cesser ces atteintes sur le fondement de l’article L. 2313-2 du code du travail relatif à ce droit d’alerte.
Sa demande est déclarée irrecevable au motif qu’il ne peut produire de mandat d’agir en justice de la part des cinq salariés concernés.
Alors le délégué du personnel persiste et déclare qu’il n’agit pas en tant que représentant syndical de ces salariés sur le fondement de l’article R. 1453-2 du code du travail, ce qui impliquerait la production d’un pouvoir, mais en tant que délégué du personnel sur le fondement spécifique du droit d’alerte.
La Cour de cassation donne raison au délégué du personnel : en effet, l’article L. 2313-2 du code du travail n’exige pas un tel mandat exprès, mais seulement d’aviser individuellement par écrit les salariés concernés de l’introduction de l’instance, et que ces salariés ne s’y soient pas opposés.
L’action en justice est donc bien recevable.
On peut également remarquer autre point intéressant : le délégué du personnel avait introduit un premier recours devant le conseil de prud’hommes après avoir informé individuellement par écrit chaque salarié concerné. Cette demande est déclarée irrecevable par le juge, et le délégué du personnel saisit à nouveau la juridiction prud’homale aux mêmes fins un mois plus tard, l’atteinte n’ayant pas cessé. Il n’informe toutefois pas les salariés de cette dernière procédure engagée. Peu importe tranche la Cour de cassation, la demande reste recevable.