Licéité des CDD successifs dans le sport professionnel
Cass. soc. 17 décembre 2014 n°13-23.176
Les CDD successifs dans le sport professionnel ne sont licites que s’ils sont justifiés par des éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi exercé.
Un salarié, employé par le Sporting Club de Bastia en tant qu’employé administratif en février 1993, a conclu, par la suite, plusieurs CDD successifs pour les saisons sportives en qualité d’entraîneur entre 2003 et 2010. Le dernier contrat arrivant à terme le 30 juin 2010, il saisit la juridiction prud’homale et demande la requalification de ses contrats en CDI.
La cour d’appel de Bastia a estimé que le salarié n’a jamais exercé des fonctions administratives mais avait toujours occupé le poste d’entraîneur. Les différents contrats ont donc été signés pour la durée d’une, voire deux saisons sportives. Leurs renouvellements dépendaient donc des résultats obtenus par l’équipe. La fonction d’entraîneur « implique, par sa nature, un résultat ou à tout le moins un objectif sportif pour l’équipe (…) et est intrinsèquement associée aux résultats sportifs et aux nécessités de la compétition ». Il s’agit là d’éléments objectifs qui mettent en évidence le caractère par nature temporaire de l’emploi que le salarié a exercé. Dans sa décision du 19 juin 2013, la cour d’appel déboute alors le salarié de ses demandes. Celui-ci forme un pourvoi devant la Cour de cassation.
La chambre sociale casse la décision rendue par la cour d’appel au visa des articles L1242-1[1], L1242-2[2] et D1242-1[3] du code du travail.
Elle relève que si certains emplois relèvent de ces textes et peuvent donc être conclus successivement par le même salarié, il convient d’interpréter ces règles « à la lumière de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999. » Celle-ci a pour objet de « prévenir les abus résultant des CDD successifs et impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi ».
La cour d’appel s’était appuyée sur le motif de l’aléa sportif pour estimer que le renouvellement du CDD dépendait du résultat de la compétition. Pour les hauts magistrats, ce raisonnement ne tient pas : les juges auraient dû vérifier si, compte-tenu des tâches occupées par le salarié pendant 17 ans, l’usage de CDD successifs était justifié par des éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi exercé.
Auparavant, la Cour de cassation admettait la succession de CDD dans les secteurs d’activité où il était d’usage de ne pas recourir au CDI, sans véritablement subordonner cette utilisation à la condition du caractère temporaire de l’emploi exercé.
Depuis deux arrêts rendus le 23 janvier 2008[4], la chambre sociale a fait évoluer sa position en indiquant au juges du fond de « vérifier que le recours à l’utilisation de CDD successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ».
En 2010, la Cour de cassation avait été saisie d’un litige concernant un entraîneur de softball. Elle avait déjà indiqué à la cour d’appel de Paris qu’elle avait omis de vérifier cette condition en décidant que l’emploi de cadre technique sportif dépendait du rythme des compétitions et de l’incertitude des résultats sportifs.
La décision du 17 décembre dernier se situe donc dans la ligne de la jurisprudence sur le régime du CDD, conformément au droit de l’Union européenne, et la Cour de cassation n’a pas prévu d’introduire de régime d’exception pour le sport professionnel.
[1]« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise »
[2]cas de recours au CDD
[3]Secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois
[4]Cass. soc 23.01.2008, n°06-43.040