Clause de mobilité applicable « sur tout le territoire français »:
Cass. soc. 9 juillet 2014 n °13-11.906 à 13-11.909
La clause de mobilité applicable « sur tout le territoire français » est suffisamment précise.
L’exigence de flexibilité vis-à-vis des salariés a développé depuis les années 90, la problématique de la mobilité géographique au sein des entreprises. Depuis quelques années, la jurisprudence encadre les clauses de mobilité géographique relevant théoriquement du pouvoir de direction de l’employeur. Ainsi, elle doit « définir de façon précise sa zone géographique d’application et que l’employeur ne puisse en étendre unilatéralement la portée »[1] On estime que le salarié doit avoir pleine connaissance de ce à quoi il s’engage.
Au regard de cette jurisprudence, l’arrêt publié le 9 juillet 2014 surprend, dans la mesure où la Cour de cassation estime qu’une clause prévoyant une mobilité sur tout le territoire français répond à l’exigence de précision.
Quatre salariés coordinateurs des « opérations France » employés par une entreprise de fret ferroviaire, avaient refusé leur mutation de Frouard (Meurthe-et-Moselle) à Paris.
Leur contrat de travail comportait pourtant une clause de mobilité ainsi libellée : « compte tenu de la nature de ses fonctions, M. X prend l’engagement d’accepter tout changement de lieu de travail nécessité par l’intérêt ou le fonctionnement de l’entreprise dans la limite géographique du territoire français sans que ce changement constitue une modification du contrat de travail ».
Devant ces refus, l’employeur avait alors procédé au licenciement disciplinaire des quatre salariés.
La cour d’appel de Nancy avait jugé les licenciements sans cause réelle et sérieuse. Elle avait considéré la clause de mobilité nulle en raison de son imprécision :
- d’une part la seule mention du « territoire français » ne peut suffire à rendre précise la clause de mobilité, puisque n’excluant pas les « DOM-TOM » ;
- d’autre part, la clause ne comporte aucune précision sur sa zone géographique d’application et ne permet pas au salarié, au moment de la signature du contrat de travail, de savoir si elle concerne les établissements existants ou également ceux à venir.
La chambre sociale de la Cour de cassation a décidé a contrario que « la clause de mobilité définissait de façon précise sa zone géographique d’application et ne conférait pas à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée ».
Elle était donc pleinement opposable aux salariés. En conséquence, la clause étant valable, les salariés ne pouvaient pas s’opposer au changement de leur lieu de travail.
Cet arrêt du 9 juillet 2014 parait contestable dans la mesure où la jurisprudence relative aux clauses de mobilité visait à protéger le salarié contre la partie réputée « forte », l’employeur ne pouvait dès lors plus imposer unilatéralement des mutations sous couvert de l’autonomie des volontés des parties.
Ainsi la chambre sociale avait jugé qu’il n’était pas possible de muter le salarié dans des établissements n’existant pas au moment du contrat (14 octobre 2008[2]). La jurisprudence condamne également les clauses évolutives qui ne mentionnent pas directement que la mobilité s’appliquera sur l’ensemble du territoire national, telle la clause se bornant à permettre une mutation « en fonction des nécessités » de l’entreprise.
Avec cette décision, il semble que l’employeur pourra facilement contourner ces interdictions en prévoyant dès le début de la relation une clause portant sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, cette décision semble faire peu de cas à l’atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié, argument auquel la cour est pourtant sensible depuis quelques années.
Il reste possible que la solution ne soit susceptible de s’appliquer qu’au cas d’espèce, dans la mesure où les fonctions des salariés « coordinateurs opérations France » impliquaient par elles-mêmes une mobilité géographique à prévoir. Même si l’arrêt n’y fait pas référence, on peut tout de même considérer qu’il n’est pas possible d’exiger la même mobilité pour tous les employés, de l’agent de production au cadre supérieur. La Cour de cassation avait déjà estimé, le 7 juillet 2012 et le 10 avril 2013, que certaines fonctions étaient par nature itinérante et que les déplacements s’inscrivaient dans le cadre habituel des fonctions.
[1] Cass. soc 7 novembre 2006, n°4-45846
[2]Cass. soc 14 octobre 2008, n°07-40523