Le projet de loi travail, qui sera discuté en mai à l’Assemblée nationale, envisage une réforme en profondeur du régime de l’inaptitude physique, en permettant notamment au médecin du travail de déclarer un salarié inapte à l’issue d’une seule rencontre.
L’article 44 du projet de loi travail est consacré au rôle et aux interventions du médecin du travail en entreprise. Parmi les mesures proposées figure la simplification des règles de constatation de l’état d’inaptitude physique du salarié.
Le dispositif proposé entrerait en vigueur à la date de publication des décrets pris pour son application, et au plus tard le 1er janvier 2017.
A noter : Aucun amendement adopté en commission des affaires sociales ne modifie, au fond, la teneur du projet de loi sur le rôle dévolu au médecin du travail en matière de constatation de l’inaptitude physique.
Une définition de l’inaptitude physique serait inscrite dans le Code du travail
Le projet de loi propose d’inscrire dans le Code du travail une définition de l’inaptitude physique. Il s’agirait de la situation dans laquelle le médecin du travail constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste occupé par le salarié n’est possible, et que son état de santé justifie un changement de poste.
Une seule rencontre avec le médecin du travail
Actuellement, sauf exception (notamment en cas de danger pour le salarié), le médecin du travail ne peut déclarer un salarié physiquement inapte qu’après une étude de son poste et des conditions de travail dans l’entreprise, et à l’issue de 2 examens médicaux espacés de 2 semaines.
Le projet de loi prévoit de permettre au médecin du travail de déclarer le salarié inapte après :
- – une étude de poste, effectuée par lui-même ou par un membre de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ;
- – un échangeavec l’employeur et le salarié ;
- – le constat d’inaptitude physiquedu salarié.
La nécessité de faire subir 2 examens médicaux au salarié serait donc abandonnée. Le médecin du travail recevrait le salarié afin d’échanger sur son avis et sur les propositions adressées à l’employeur.
A noter : En l’état, le projet de loi ne subordonne pas l’avis d’inaptitude physique à un examen médical du salarié, mais à un simple “échange” entre ce dernier et le médecin du travail, doublé d’un entretien. L’employeur ne devrait cependant pas être dispensé d’organiser la visite médicale de reprise, qui s’impose après arrêt de travail pour maladie ou accident. L’articulation entre cette visite, l’échange et l’entretien entre le salarié et le médecin du travail mériterait d’être clarifiée : ces 3 étapes sont-elles nécessairement successives ou peuvent-elles se dérouler de façon simultanée ?
Un avis d’inaptitude écrit et détaillé pour guider l’employeur
Le médecin du travail serait tenu d’éclairer l’avis d’inaptitude physique par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du salarié. Cet avis et ces indications s’imposeraient à l’employeur qui, en cas de refus de les appliquer, devrait en faire connaître le motif par écrit au salarié et au médecin du travail.
Ce dernier pourrait dans certains cas dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement.
Cette obligation imposée au médecin du travail de préciser son avis et de formuler des préconisations en matière de reclassement, lorsque celui-ci est possible, pourrait simplifier les échanges entre l’entreprise et le service médical et raccourcir les procédures.
A noter : Par exemple, dans l’hypothèse où le salarié est déclaré inapte à son poste, sans autre précision, l’employeur n’a pas d’autre choix aujourd’hui que de solliciter le médecin du travail pour obtenir des précisions sur les possibilités de reclassement de l’intéressé.
Enfin, lorsque le salarié travaille dans une entreprise de moins de 50 salariés, le médecin du travail serait tenu d’assortir son avis d’indications sur la capacité de l’intéressé à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté, que son inaptitude soit ou non d’origine professionnelle.
Les recours contre l’avis médical ne seraient plus portés devant l’inspecteur du travail
L’avis du médecin du travail – avis d’aptitude ou d’inaptitude – peut actuellement être contesté par le salarié ou par l’employeur auprès de l’inspecteur du travail.
Le projet de loi propose de transférer l’examen de ces recours à des médecins experts.
L’employeur ou le salarié contestant un élément de nature médicale justifiant l’avis d’aptitude ou d’inaptitude devrait saisir le conseil des prud’hommes dans sa formation de référés. Il lui demanderait de désigner un médecin expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. L’autre partie devrait être informée de ce recours.
L’expert ainsi désigné pourrait obtenir communication du dossier médical du salarié établi par le médecin du travail pour prendre sa décision.
Son avis se substituerait à celui du médecin du travail.