JURI-CE

Détention provisoire et faute grave

Cass. soc., 20 mai  2015  n°14-10270

Le placement en détention provisoire sans informer son employeur de son absence est assimilé à une absence injustifiée. Si cette absence désorganise l’entreprise, le salarié emprisonné est en outre licencié pour faute grave.

 

L’incarcération du salarié suspend par principe le contrat de travail

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de statuer sur le sort des salariés placés en détention provisoire, avec comme postulat de départ que l’incarcération d’un salarié relève de la vie privée de celui-ci.

Elle a ainsi jugé à plusieurs reprises que le placement d’un salarié en détention provisoire, alors que l’obstacle à l’exécution du contrat de travail ne lui est pas imputable, entraîne la suspension du contrat de travail (1 et 2).

Le placement sous contrôle judiciaire, qui suit parfois une détention provisoire, suspend aussi le contrat de travail lorsque le salarié a interdiction d’entrer en relation avec les salariés de l’entreprise pendant cette période.

Lorsque le contrôle judiciaire (ou la détention) s’achève, le salarié doit se manifester auprès de l’employeur pour reprendre son travail, ce dernier n’étant pas à même de connaître la date à laquelle le salarié peut reprendre ses fonctions (3).

L’incarcération en elle-même n’est pas une cause de licenciement dès lors que les faits reprochés au salarié (2 précité) :

 

L’abandon de poste est une faute grave

L’abandon de poste désigne le fait, pour un salarié, de quitter son poste de travail sans autorisation, mais aussi, de ne plus se rendre au travail sans justifier de son absence.

Il peut justifier une sanction disciplinaire et en particulier un licenciement pour faute, si les circonstances le justifient.

En revanche, il ne peut pas, à lui seul, être assimilé à une démission (4 et 5).

L’absence non autorisée ou non justifiée du salarié peut constituer un motif de sanction pouvant aller jusqu’à un licenciement disciplinaire, selon le contexte. En cas de contentieux, les juges prennent en compte les circonstances pour apprécier l’existence d’une faute et sa gravité. Pour des exemples, voir le tableau reproduit dans cette étude.

Pour constituer une faute grave, l’absence du salarié doit, en principe, perturber le fonctionnement de l’entreprise (6), à moins que l’absence constitue en elle-même un acte d’insubordination, comme cela peut être le cas lorsqu’un salarié prend ses congés payés en dépit du refus de son employeur (7).

Un licenciement pour motif personnel non disciplinaire est admis si l’absence du salarié incarcéré entraîne des troubles dans l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc. 21 novembre 2000 précité : 1), ou si la condamnation pénale elle-même crée un trouble caractérisé et certain dans l’entreprise (8).

De même, le fait pour le salarié de ne pas prévenir son employeur de son placement en détention provisoire à une absence injustifiée.

C’est ce qu’a jugé la Cour de Cassation dans l’arrêt du 20 mai 2015.

En l’espèce, le salarié avait été embauché en qualité d’agent qualifié de service par contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Le 23 avril 2008, il était placé en garde à vue puis en détention provisoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 avril 2008, la société a demandé au salarié de justifier de son absence du 24 avril et des jours suivants. En l’absence de réponse de la part du salarié, l’employeur a décidé de le licencier pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 2008.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement.

Les juges du fond lui ont donné raison. Pour la Cour d’appel, le caractère involontaire de cette absence et les difficultés éprouvées par le salarié à en rendre compte à son employeur, sont de nature à atténuer la gravité de cette faute et justifient la requalification de la rupture du contrat de travail en un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La Cour de Cassation n’est pas de cet avis, et censure l’arrêt d’appel.

Pour la Haute Juridiction, le salarié n’avait fait aucune démarche pour aviser son employeur de sa situation dans le délai d’un mois qui s’était écoulé entre son placement en garde à vue et son licenciement. Il n’apportait pas la preuve qu’il lui était impossible de contacter son employeur de son lieu d’incarcération et que cette carence avait désorganisé le fonctionnement de l’entreprise.

C’est donc en raison des carences du salarié qui n’a pas informé son employeur de sa situation et de la désorganisation de l’entreprise qui a découlé de cette absence non prévue que l’employeur a décidé de licencier le salarié.

 

(1) cass. soc., 21 novembre 2000,  n°98-41788
(2) cass. soc., 26  février 2003, n°01-40255
(3) cass. soc., 5 novembre 2014, n°13-21639
(4) cass. soc., 10 juillet 2002, n°00-45566
(5) cass. soc., 17 novembre 2010, n°09-42227
(6) cass. soc., 1er mars 1995, n°91-43718
(7) cass. soc., 19 juin 2008, n°07-41352
(8) cass. soc., 26  septembre 2012, n°11-11247

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