cass. soc., 2 juin 2016, n°15-11.422
Même contraire au droit européen, l’article L 3141-5 du Code du travail, qui n’assimile pas à du travail effectif ouvrant droit à congés payés les périodes de suspension du contrat pour accident du travail au-delà d’un an, ne peut pas être écarté par le juge français.
La Cour de cassation confirme une solution adoptée en 2103 selon laquelle un salarié ne peut pas réclamer au juge prud’homal le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l’article L 3141-5 du Code du travail relatif aux absences assimilées à du travail effectif pour la détermination des droits à congés payés (Cass. soc. 13-3-2013 n° 11-22.285 : RJS 5/13 n° 384).
Ainsi, sont exclues du calcul de la durée des congés payés les périodes de maladie non professionnelle qui ne sont pas visées par l’article L 3141-5 (arrêt du 13 mars 2013 précité) et, comme l’affirme cet arrêt du 2 juin 2016, les périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle supérieures à un an, seules les périodes antérieures étant assimilées à du travail effectif.
Le juge français ne peut pas appliquer les dispositions d’une directive européenne
La Cour de cassation admet que les dispositions de l’article L 3141-5 sont contraires au droit européen, notamment, à l’article 7 de la directive 2003/88/CE qui prévoit pour tout salarié un droit à un congé annuel d’au moins 4 semaines, ce droit ne pouvant pas être affecté en raison des absences du salarié pour raisons de santé (CJUE 24-1-2012, arrêt « Dominguez » : RJS 4/12 n° 399).
Mais, dans la mesure où les dispositions d’une directive n’ont pas d’effet direct en droit interne, celles-ci ne peuvent pas être invoquées par un salarié dans un litige avec un employeur de droit privé et le juge judiciaire ne peut pas écarter les règles contraires du Code du travail. En clair, ce n’est pas parce que le droit français n’est pas conforme au droit européen qu’il ne faut pas l’appliquer.
La responsabilité de l’Etat peut être engagée
Si l’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité compensatrice de congés payés au titre des périodes d’absences du salarié pour raisons de santé, le salarié n’est pas pour autant dépourvu de tout recours.
Il peut en effet engager la responsabilité de l’Etat pour non-transposition en droit interne d’une directive et obtenir réparation du dommage subi. Ainsi, récemment, le tribunal administratif de Clermont Ferrand a condamné l’Etat à verser des dommages et intérêts à un salarié qui s’était vu privé d’une partie de ses congés payés en raison de ses absences pour maladie pendant la période d’acquisition des congés. Le juge lui a accordé une indemnité correspondant à la différence entre la période minimale de congés annuels prévue par la directive (4 semaines) et le nombre de jours de congés déjà accordés par l’employeur au titre de la période litigieuse (TA Clermont Ferrand 6-4-2016 n° 1500608).
Seul le législateur peut modifier les règles d’acquisition des congés payés
Pour éviter la répétition de ces condamnations pour non-transposition de la directive, l’Etat français se doit de modifier les règles d’acquisition des congés payés pour les rendre conformes au droit européen. On peut regretter que le Gouvernement n’ait pas profité du projet de loi Travail, qui prévoit pourtant une réécriture du Code du travail en matière de congés payés selon le nouveau modèle social (ordre public – champ de la négociation – dispositions supplétives), pour régler la question.