JURI-CE

Privation de l’indemnité de congé payé en cas de faute lourde jugée inconstitutionnelle 

Décision du Conseil Constitutionnel relative à la privation de l’indemnité de congé payé en cas de faute lourde:

 

Cons. const. 2-3-2016 n° 2015-523 QPC

 

Les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au 2e alinéa de l’article L 3141-26 du Code du travail sont contraires à la Constitution. C’est ce que vient de déclarer le Conseil constitutionnel.

En effet, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel censure les dispositions du Code du travail prévoyant la suppression de l’indemnité compensatrice de congé payé en cas de licenciement pour faute lourde.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 décembre 2015 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l’article L 3141-26 du Code du travail (Cass. soc. QPC 2-12-2015 n° 15-19.597).

Aux termes de ce texte, une indemnité compensatrice des congés payés non pris est due au salarié en cas de rupture du contrat de travail dès lors que cette rupture n’a pas été provoquée par la faute lourde de l’intéressé.
Les juges du Conseil constitutionnel déclarent ces dispositions contraires à la Constitution.

Rappelons que, selon une jurisprudence constante, la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur ; elle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise (dernièrement : Cass. soc. 22-10-2015 n° 14-11.291 et 14-11.802).

Cette censure est fondée sur la différence de traitement existant entre les salariés selon que l’employeur est ou non affilié à une caisse de congés payés. En effet, l’article L 3141-28 dudit Code exclut la suppression de cette indemnité lorsque l’employeur est tenu d’adhérer à une telle caisse. Le Conseil constitutionnel considère que le législateur a ainsi traité différemment des personnes se trouvant dans la même situation et que cette différence de traitement est sans rapport, tant avec l’objet de la législation relative aux caisses de congés qu’avec l’objet de la législation relative à la privation de l’indemnité compensatrice de congé payé et que, par suite, les dispositions contestées méconnaissent le principe d’égalité devant la loi.

Bon à savoir : On peut ajouter que la perte des congés payés en application de l’article L 3141-26 du Code du travail paraît également contraire à l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui consacre le droit pour chaque travailleur à 4 semaines de congés payés par an et ne prévoit pas leur perte pour un tel motif. Dans ses rapports pour 2013 et 2014, la Cour de cassation a suggéré la modification des dispositions précitées du Code du travail afin de les rendre conformes aux exigences de cette directive.

Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal officiel et peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

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