Cass. soc. 16 décembre 2014 n°13-21.203
Protection complémentaire pour le délégué syndical, représentant au CE , après sa réintégration, même en cas de disparition du CE
La Cour de Cassation considère que le délégué syndical, représentant syndical de droit au CE, réintégré après annulation de l’autorisation administrative de licenciement, bénéficie de la protection complémentaire de 6 mois suivant sa réintégration, et ce même en cas de perte de son mandat du fait de la disparition du CE.
En l’espèce, M. X… a été engagé le 7 janvier 1990 par la société Miki travel agency (entreprise de moins de trois cents salariés), en qualité d’agent d’accueil transfériste.
Titulaire d’un mandat de délégué syndical et représentant syndical au comité d’entreprise, il a été licencié pour motif économique par une lettre du 10 décembre 2010, après autorisation du ministre du travail.
Par un jugement du 23 novembre 2011, le tribunal administratif a annulé la décision du ministre.
Réintégré au sein de la société Miki travel agency dans un emploi « temporaire » d’agent d’accueil des étudiants à compter du 22 janvier 2012, M. X… a été de nouveau licencié, par une lettre du 22 mai 2012, « pour impossibilité matérielle de réintégration ».
Le salarié n’était plus DS depuis plus d’un an. Mais, se prévalant d’une protection statutaire bénéficiant aux membres du CE, il a saisi la juridiction prud’homale afin de contester la validité de son second licenciement.
La Cour d’Appel rejette sa demande.
Elle considère que la protection accordée par le code du travail au salarié membre du CE dont l’autorisation de licenciement a été annulée, ne peut s’appliquer en l’espèce car « non seulement le comité d’entreprise n’a pas été renouvelé, mais il est constant qu’il a disparu à compter de l’année 2010 en raison de la baisse des effectifs ».
Mais la Cour de Cassation invalide la solution retenue en appel.
Elle va clairement indiquer que « le délégué syndical, représentant de droit le syndicat au comité d’entreprise, réintégré dans l’entreprise après l’annulation de l’autorisation donnée en vue de son licenciement, sans avoir pu retrouver son mandat du fait de la disparition de ce comité d’entreprise, bénéficie de la protection complémentaire de six mois suivant sa réintégration ».
Dans cet arrêt, la Cour vient combler une lacune des textes en matière de réintégration des salariés protégés après l’annulation de l’autorisation administrative de licenciement.
Selon l’article L. 2422-2 du code du travail, « le membre du comité d’entreprise dont la décision d’autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si l’institution n’a pas été renouvelée. Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l’entreprise, de la protection prévue à l’article L. 2411-5. »
Et l’article L. 2411-5 du code du travail prévoit que « le licenciement d’un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l’expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l’institution ».
Les textes ne précisent pas si la protection complémentaire continue de s’appliquer dans les cas de disparition de l’institution représentative du fait de la baisse des effectifs. Ils envisagent le cas pour un délégué du personnel ou un membre du CE, mais ne règlent pas le sort du représentant syndical au CE.
Seule une jurisprudence du Conseil d’État, précise que ce même mécanisme doit aussi bénéficier aux membres du CHSCT[1].
Mais c’est ce que fait la Cour de Cassation dans cet arrêt, en interprétant de façon extensive l’article L. 2422-2 du code du travail.
Elle va préciser que le représentant syndical au CE bénéficie d’une protection complémentaire identique à celle des délégués du personnel ou des membres du CE, et ce même si l’institution disparait du fait de la baisse d’effectifs.
Il en résulte en l’espèce que l’employeur aurait dû solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail pour licencier, quatre mois après sa réintégration, le représentant syndical au CE qui n’avait pu retrouver ce mandat du fait de la disparition du comité.
Il faut néanmoins noter que, pour légitimer cette interprétation, l’arrêt est rendu au visa de l’article L. 2422-2 et de l’article 5 de la convention n° 135 de l’Organisation Internationale du Travail : « Lorsqu’une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d’une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d’autre part ». L’idée étant vraisemblablement que les représentants syndicaux ne peuvent bénéficier de moins de droits que les élus.
[1] CE. 13 mai 1992, n°114604