L’incidence de la requalification d’un CDD en CDI sur la rupture:

Cass, Soc, 30 septembre 2014, n°13-14.766, 13-15.490 et 13-15.491 et 13-15.492, F-D:

 

Trois salariés de la société Air France engagés selon plusieurs contrats à durée déterminée successifs saisissent la juridiction prud’homale le 7 juin 2011 afin d’obtenir la requalification de leur CDD en CDI à temps complet.

Le Conseil de prud’hommes donne droit à leur demande visant à requalifier la relation de travail à durée déterminée en contrat CDI.

Malgré ce jugement doté de l’exécution provisoire et faisant l’objet d’un appel, l’employeur met fin aux relations contractuelles à l’échéance du terme, soit le 2 octobre 2011.

Les salariés font alors appel du jugement, en se fondant sur le droit d’accès à la justice, pour que la rupture intervenue à l’échéance du terme initialement prévu dans le CDD soit jugée nulle et pour qu’ils soient, de ce fait, réintégrés dans l’entreprise.

La cour d’appel les déboute de leur demande au motif que « le défaut d’exécution provisoire volontaire d’un jugement assorti de l’exécution provisoire mais frappé d’appel ne saurait caractériser en soi une atteinte au droit d’accès à la justice ».

Les salariés se pourvoient alors en cassation.

 

La rupture d’un CDD, intervenue à l’échéance du terme prévu, doit-elle être considérée comme nulle lorsqu’elle intervient suite à un jugement prononçant la requalification du contrat de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée dans les cas où cette décision est assortie de l’exécution provisoire et fait l’objet d’un appel ?

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel en décidant que les juges du fond devaient rechercher si le jugement décidant de la requalification en relation à durée indéterminée avait été notifié à l’employeur avant la survenance du terme du contrat à durée déterminée.

 

Commentaire :

En d’autres termes, la rupture du contrat de travail à durée déterminée survenue à l’échéance du terme devra être considérée comme nulle et emporter réintégration du salarié (et ce, même si la décision fait l’objet d’un appel) quand le jugement répond à plusieurs conditions cumulatives :

– requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée

– assorti de l’exécution provisoire

– notifié à l’employeur avant l’échéance du terme prévu au contrat de travail initialement prévu

Mais cette solution ne risque-t-elle pas de poser un problème de sécurité juridique ?

En effet, si par la suite le jugement décidant de la requalification est infirmé, l’employeur ne risque-t-il pas de se voir opposer, sur le fondement de l’article L. 1243-11 du Code du travail61, une relation à durée indéterminée puisqu’il aura laissé persister la relation de travail au-delà du terme prévu dans le CDD ?

La seule réponse cohérente à apporter par les juges du droit seraient de ne pas pénaliser l’employeur qui, de bonne foi, aurait laissé la relation de travail se poursuivre au-delà du terme en application d’un jugement assorti de l’exécution provisoire lui ayant été notifié. C’est d’ailleurs cette solution qui sera retenue par la jurisprudence et l’employeur sera même en droit de demander réparation du préjudice causé par cette exécution en cas d’infirmation de la décision au salarié.

Il faut tout de même préciser que cette jurisprudence judiciaire ne trouve pas son pareil dans la jurisprudence administrative où le Conseil d’Etat a décidé, concernant le renouvellement de contrat sous forme de contrat à durée indéterminée d’un agent administratif, que « [le juge des référés] ne saurait (…) imposer le maintien provisoire de relations contractuelles au-delà du terme du contrat en cours ».

Il peut donc être pertinent de se poser la question de la pérennité de cette solution de la Cour de cassation.

Mais il convient déjà d’y répondre, au vu de la jurisprudence rendue en cette matière64, que la décision affirmant l’exécution provisoire d’un jugement en dépit de l’échéance du terme d’un contrat à durée déterminée sera a priori de nouveau confirmée par la haute juridiction.

 

 Conseil :

Lorsqu’un jugement, assorti de l’exécution provisoire, ordonne la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il convient de ne pas rompre le contrat, quand bien même le terme du contrat initialement conclu interviendrait, si le jugement a été notifié à l’employeur avant l’échéance de ce terme.

Il faudra donc principalement s’intéresser à un élément : la date de notification du jugement à l’employeur.

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