Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014
L’article 16 de la loi du 20 août 2008 prévoyait la remise par le gouvernement au Parlement, avant le 31 décembre 2013, d’un rapport portant sur l’application de ses dispositions relatives au droit syndical, ainsi que la présentation au ministre du travail, par le Haut conseil au dialogue social, des enseignements à tirer de ce rapport et des nouvelles dispositions relatives à la représentativité syndicale.
À la suite de ces bilans, plusieurs dispositions du Code du travail intéressant l’exercice du droit syndical ont été modifiées par l’article 30 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014.
Ces modifications concernent l’organisation des élections professionnelles et la représentation syndicale dans l’entreprise.
1- Sur l’organisation des élections professionnelles
Négociation et conclusion du protocole préélectoral
Concernant la négociation du protocole préélectoral, il est désormais prévu que « l’invitation doit parvenir au plus tard quinze jours avant la date de la première réunion de négociation »[1]. Jusqu’à la loi du 5 mars 2014, la Cour de cassation avait indiqué que l’invitation devait être effectuée en temps utile, de manière à permettre aux organisations syndicales de bénéficier d’un délai raisonnable pour préparer la négociation, le cas échéant[2].
Dans le cas d’un renouvellement des mandats des représentants du personnel où un délai était déjà prévu, l’invitation à négocier le protocole doit être « effectuée deux mois avant l’expiration du mandat des délégués en exercice », au lieu d’un mois auparavant. Les délais ainsi fixés par la loi devraient permettre le déroulement de la négociation du protocole préélectoral dans de meilleures conditions[3].
S’agissant des conditions d’entrée en vigueur du protocole préélectoral, il est précisé que l’exigence de double majorité au stade de sa signature introduite par la loi du 20 août 2008 trouve à s’appliquer « en l’absence de dispositions législatives contraires »[4].
Afin de lever toute ambiguïté, un renvoi exprès à cette exigence a été introduit dans les articles du Code du travail, dont les dispositions se contentaient de mentionner un accord conclu avec les organisations syndicales intéressées.
Ainsi, l’unanimité des organisations syndicales représentatives n’est maintenue, en vertu d’une disposition législative expresse en ce sens, que pour la modification du nombre et de la composition des collèges électoraux[5] et l’organisation du scrutin en dehors du temps de travail[6].
Saisine de l’autorité administrative
La loi du 5 mars 2014 a substantiellement modifié les dispositions du Code du travail prévoyant la saisine de l’autorité administrative, en l’absence de conclusion d’un protocole préélectoral, pour statuer sur la répartition du personnel dans les collèges et des sièges entre les différentes catégories de personnel[7] sur l’existence d’un établissement distinct ou la perte de cette qualité[8] ou sur le nombre d’établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories de personnel, le cas échéant[9] .
L’intervention de l’autorité administrative est désormais requise en l’absence d’accord et «lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur».
D’une lecture a contrario de cette disposition, il résulte que sa saisine n’est pas obligatoire, si aucune organisation syndicale n’a répondu à cette invitation. En ce cas, l’employeur peut trancher de manière unilatérale les aspects concernés, à charge pour une personne intéressée de saisir le juge judiciaire pour contester ses décisions, le cas échéant.
Présentation des listes de candidats
À propos des élections professionnelles organisées dans les entreprises, une disposition introduite à l’article L. 2122-3-1 du Code du travail prévoit que, le cas échéant, un syndicat doit indiquer son affiliation à une organisation syndicale lors du dépôt des listes et qu’à défaut d’indication, l’organisation syndicale ne bénéficiera pas des suffrages exprimés en faveur du syndicat qui lui est affilié, pour la mesure de l’audience électorale qui détermine l’accès à la représentativité.
Applicable depuis le 1er janvier 2015, cette exigence fait écho à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, l’affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats au premier tour des élections professionnelles constituant un élément essentiel du vote des électeurs, une organisation syndicale peut bénéficier du score d’un syndicat qui lui est affiliée, à la condition que cette affiliation ait été mentionnée sur les bulletins de vote au moyen desquels les électeurs ont exprimé leur choix ou ait été portée à leur connaissance certaine par le syndicat[10].
Mais, il n’est pas certain que la seule indication par un syndicat de son affiliation, lors du dépôt des listes, garantira l’information des salariés.
Concernant les élections permettant de mesurer l’audience électorale des syndicats dans les TPE, il est désormais précisé que tout comme pour les élections professionnelles organisées dans l’entreprise, les candidatures doivent émaner d’organisations syndicales qui satisfont aussi au critère de la transparence financière[11].
2- Sur la représentation syndicale dans l’entreprise
Délégué syndical
Plusieurs modifications législatives consolident les orientations jurisprudentielles développées par la Cour de cassation.
Ainsi, il est désormais précisé[12] que le délégué syndical doit être désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli « à titre personnel et dans leur collège » au moins 10 % des suffrages exprimés[13].
De plus, une nouvelle disposition[14] prévoit que « le mandat de délégué syndical prend fin au plus tard lors du premier tour des élections de l’institution représentative du personnel renouvelant l’institution dont l’élection avait permis de reconnaître la représentativité de l’organisation syndicale l’ayant désigné »[15].
Le législateur a aussi repris à son compte[16] la jurisprudence de la Cour de cassation ayant admis la possibilité pour une organisation syndicale représentative, dont aucun candidat n’a personnellement recueilli le seuil de 10 % d’audience aux dernières élections, de désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement[17].
Par contre, le législateur s’est démarqué de l’orientation développée par la Cour de cassation, en application de la loi du 20 août 2008, à propos du périmètre de désignation du délégué syndical. En vertu d’une nouvelle disposition, cette désignation « peut intervenir au sein de l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques »[18].
Le législateur offre ainsi une nouvelle définition de l’établissement distinct, comme périmètre de désignation du délégué syndical, dont il consacre l’approche dite fonctionnelle mise en oeuvre par la Cour de cassation, avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008[19].
C’est un tempérament à la démarche entreprise par la Chambre sociale, sous l’empire de cette loi, vers l’alignement du périmètre de désignation du délégué syndical sur l’établissement distinct, au sens du comité d’établissement[20], sous la seule réserve d’un accord collectif fixant un périmètre de désignation plus restreint [21].
Il résulte donc, que la conclusion d’un accord collectif n’est plus nécessaire pour permettre la désignation d’un délégué syndical, dans un périmètre plus restreint que celui de l’établissement distinct couvert par un comité d’établissement. Il suffira que le périmètre de désignation retenu constitue un établissement distinct, au sens des délégués syndicaux, tel qu’il a été défini par le législateur.
Représentant syndical au comité d’entreprise
La loi du 20 août 2008 avait subordonné la désignation d’un représentant syndical au comité
d’entreprise à des exigences différentes, selon l’effectif de l’entreprise. Au sein des entreprises de moins de 300 salariés, le délégué syndical susceptible d’être désigné par une organisation syndicale représentative restait de droit représentant syndical au comité d’entreprise.
En revanche, dans les entreprises occupant au moins 300 salariés, seules étaient habilitées à procéder à la désignation d’un tel représentant, les organisations syndicales, représentatives ou non, ayant obtenu au moins deux élus à l’issue des dernières élections professionnelles.
Plusieurs fois contestée, sans succès, au regard de la Constitution[22] et de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[23], cette différenciation a été abandonnée par la loi du 5 mars 2014, qui a supprimé l’exigence d’au moins deux élus en lui substituant celle de la représentativité.
Ainsi, sous réserve des dispositions relatives aux entreprises de moins de 300 salariés, en vertu desquelles le délégué syndical est de droit représentant syndical au comité[24], chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement peut dorénavant désigner un représentant syndical au comité, dans les entreprises d’au moins 300 salariés[25].
Le sort des mandats de représentant syndical au comité antérieurement délivrés par des organisations syndicales non représentatives reste néanmoins à préciser.
[1] C. trav., art. L. 2314-3 et L. 2324-4
[2] Cass. soc. 25 janv. 2012, n° 11-60.093
[3] Mais la méconnaissance du délai imparti en cas de renouvellement « ne peut être une cause de nullité du protocole préélectoral », cass. soc. 25 janv. 2012, n° 11-60.093, préc.
[4] C. trav., art. L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1
[5] C. trav., art. L. 2314- 10 et L. 2324-12
[6] C. trav., art. L. 2314- 22 et L. 2324-20
[7] C. trav., art. L. 2314-11 et L. 2324-13
[8] C. trav., art. L. 2314-31 et L. 2322-5
[9] C. trav., art. L. 2327-7
[10] Cass. soc. 12 avr. 2012, n° 11-22.290
[11] C. trav., L. 2122-10-6
[12] C. trav., art. L. 2143-3
[13] Cass. soc. 29 juin 2011, n° 10-19.921
[14] C. trav., art. L. 2143-11
[15] Cass. soc. 22 sept. 2010, n° 09-60.435
[16] C. trav., art. L. 2143-3 C. trav.
[17] Cass. soc. 27 févr. 2013, nos 12-15.807 et 12-18.828
[18] C. trav., art. L. 2143-3, al. 4
[19] Cass. soc. 2 oct. 2001 n° 00-60.170
[20] Cass. soc. 10 nov. 2010, n° 09-60.451
[21] Cass. soc. 18 mai 2011, n° 10-60.383
[22] Cass. soc., QPC, 18 juin 2010, n° 10-14.749
[23] Cass. soc. 24 oct. 2012, n° 11-25.530
[24] C. trav., art. L. 2143-22
[25] C. trav., art. L. 2324-2
01 avril, 2015