Cass. soc., 27 janv. 2015, n°13-22.179,  13-14.773 et 13-25.437

 

Conventions et accords collectifs : la différence de traitement est présumée justifiée

Par trois décisions du 27 janvier 2015, la Cour de cassation est venue modifier sa position relative aux avantages catégoriels en énonçant que les différences de traitement entre catégories professionnelles, opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives qui sont investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées.

Il en résulte, un renversement de la charge de la preuve : c’est désormais à celui qui conteste ces différences de traitement, d’établir que celles-ci sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Les avantages catégoriels en cause dans les trois affaires jugées étaient les suivants :

– l’allongement du préavis en cas de licenciement des salariés ingénieurs et des cadres prévu par la convention collective des bureaux d’études techniques (arrêt n°13-22.179)

– l’octroi d’une prime d’ancienneté aux seuls salariés ouvriers et collaborateurs classés dans les groupes I, II et III par la convention collective des industries chimiques (arrêt n°13-14.773)

– des modalités de calcul de l’indemnité de licenciement plus favorables pour les ingénieurs et les cadres, et non les ouvriers, prévues par la convention collective des transports routiers (arrêt n°13-25437).

De telles différences de traitement doivent donc désormais être présumées justifiées car les négociateurs sociaux, qui ont un pouvoir normatif même s’ils agissent par délégation de la loi, doivent disposer, du fait du principe d’égalité de traitement, d’une marge d’appréciation et de manœuvre comparable à celle que le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur.

La Haute juridiction vient donc de clarifier sa jurisprudence antérieure, car il persistait une source d’insécurité juridique sur la valeur normative effective des avantages catégoriels comme du principe d’égalité de traitement.

En effet, il arrivait souvent, qu’au nom du principe d’égalité, un salarié demandait l’attribution de la norme prévue par la convention collective qui lui était la plus favorable, même quand celle-ci ne trouvait normalement pas à s’appliquer à son statut.

Pour appuyer sa demande, le salarié pouvait se prévaloir d’un arrêt rendu par la chambre sociale le 1er juillet 2009 dans lequel elle énonçait que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard de cet avantage, cette différence de traitement devant reposer sur des raisons objectives et pertinentes.

C’est ainsi que des différences de traitement entre les catégories de salariés, même prévues par des accords catégoriels, pouvaient être remises en cause par les salariés : durée de la période d’essai, primes diverses, délai de préavis, jours de congé, modalités de calcul de l’indemnité de licenciement, etc.

Afin d’atténuer cette instabilité affaiblissant la normativité des accords catégoriels, la Cour avait d’ailleurs opéré quelques avancées récemment :

– certains éléments, objectifs, légitimaient à eux seuls certaines différences de traitement entre les catégories de salariés : conditions d’exercice des fonctions, évolution de carrière, modalités de rémunération (cass. soc., 8 juin 2011).

– exclusion de l’applicabilité du principe d’égalité de traitement aux régimes de prévoyance, compte tenu des particularités de ces régimes couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, « qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise » (cass. soc., 13 mars 2013).

Mais le revirement du 27 janvier dernier n’est pas total car la Cour de cassation conserve encore deux limites:

– la possibilité de remettre en cause un avantage catégoriel demeure au cas où elle se fonderait sur des considérations extra-professionnelles (assez rare en pratique)

– pas d’application pour les différences de traitement résultant d’une décision unilatérale de l’employeur (précision dans un quatrième arrêt du 27 janvier 2015).

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