Cass.soc. 08 octobre 2014 n° 13-16.720

 

L’entrave ne constitue pas en soi une discrimination syndicale

 La Cour de Cassation considère que le délit d’entrave ne constitue pas en soi une situation de discrimination syndicale. En aucun cas une situation de discrimination ne pourra en être présumée.

Et rappelle que les motifs de la décision de refus de licenciement de l’inspecteur du travail s’imposent au juge judiciaire.

 En l’espèce, M. X… a été engagé le 1er septembre 1991, en qualité de responsable de stage par l’association CEMEA du Limousin, promu par la suite responsable de formation, et dans laquelle il a exercé des mandats de représentant du personnel.

En invoquant des difficultés financières ayant conduit à la suppression de son poste, l’association a sollicité à deux reprises de l’inspecteur du travail l’autorisation de le licencier, laquelle lui a été refusée par décisions du 8 février 2010 et du 8 juillet 2010.

L’association a été placée en redressement judiciaire par jugement du 14 avril 2010.

Par décision du 28 février 2011, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour motif économique du salarié qui est intervenu le 11 mars 2011.

Mais, le 22 avril 2010, celui-ci saisit la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale, puis saisit la juridiction d’appel.

Il invoque les entraves qu’il a subies en sa double qualité de délégué du personnel et de membre du comité d’entreprise du fait d’abord, que l’employeur n’a pas organisé les réunions mensuelles de délégués du personnel ; a ensuite refusé de prendre en charge ses frais de déplacement pour participer à une réunion du comité d’entreprise ; et enfin a refusé de communiquer à l’expert-comptable du comité d’entreprise les informations qu’il demandait.

M. X. soutient que la Cour d’Appel aurait dû en déduire que ces faits révélaient une intention discriminatoire anti-syndicale à son égard.

Mais la Cour de Cassation juge d’abord que « la méconnaissance par l’employeur des attributions des institutions représentatives du personnel ne constitue pas en soi une discrimination syndicale au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail ». Et « qu’appréciant souverainement, en tant qu’éléments de fait et de preuve, les décisions de l’administration du travail et de la juridiction administrative, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu les termes du litige, a pu décider que l’ensemble des éléments apportés par le salarié ne laissait pas présumer l’existence d’une discrimination syndicale » ; avant de casser partiellement la décision de la Cour d’Appel en considérant un manquement de l’employeur à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail : « Qu’en statuant ainsi, alors que par une décision 8 juillet 2010, l’inspecteur du travail avait, pour refuser le licenciement du salarié pour motif économique, constaté qu’en septembre 2009, l’employeur avait recruté un directeur chargé notamment des mêmes fonctions que celles exercées par ce salarié, le privant ainsi du contenu de son emploi, et que ce motif qui constituait le soutien nécessaire de la décision, et dont il résultait que l’employeur avait manqué à ses obligations contractuelles, s’imposait à elle, la cour d’appel a violé les textes et principe de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III susvisés ».

 Dans cet arrêt, la Cour de Cassation va distinguer les éléments constitutifs d’entrave des éléments constitutifs de discrimination syndicale.

Pour la Cour, il est possible que ces deux situations coexistent sans pour autant avoir de lien entre elles.

Un délit d’entrave reconnu ne fait pas présumer l’existence d’une discrimination syndicale concomitante.

Ainsi, le délit d’entrave vise les atteintes commises au fonctionnement des institutions représentatives du personnel alors que la discrimination est caractérisée par des atteintes à la liberté syndicale au travers de mesures individuelles discriminatoires prises par l’employeur.

Il aurait fallu que le salarié rapporte des éléments à caractère individuels pour voir sa demande de dommages et intérêts aboutir au titre de la discrimination syndicale.

Il est à noter qu’au pénal, la discrimination syndicale et l’entrave sont deux infractions distinctes susceptibles d’être punies l’une indépendamment de l’autre.[1]

Des faits similaires avaient déjà été considérés par la jurisprudence antérieure mais seulement sur le plan du délit d’entrave et non de la discrimination, comme omettre de réunir le comité d’entreprise[2], le refus de prendre en charge les frais de déplacement des élus[3], ou de communiquer à l’expert‐comptable du comité d’entreprise les documents nécessaires à sa mission[4].

En outre, la Cour de Cassation casse partiellement la décision de la Cour d’Appel, en rappelant  que les motifs de la décision de refus  de licenciement d’un salarié protégé de l’inspecteur du travail s’imposent au juge judiciaire.

En l’espèce, elle a considéré que ces motifs caractérisaient un non-respect par l’employeur de ses obligations contractuelles.

Sans porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs, celui-ci doit alors en tirer les conséquences pour le calcul de l’indemnisation du salarié.

 

[1] Cass. crim. 29 oct. 1975, n°73-93.253

[2] Cass. crim. 19 mai 1998, n°97-80.291

[3] Cass. crim. 22 nov. 2005, n°04-87.451

[4] Cass. crim. 12 avr.1988, n°87-80.985

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