Cass. Soc. 19 nov. 2014, n°13-23.899

  • Le comité d’entreprise n’a pas qualité pour agir en exécution d’un accord collectif

Le comité d’entreprise n’a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir, au profit des salariés, l’exécution des engagements résultant de la convention collective applicable. Cette action est réservée aux organisations syndicales ou groupements définis à l’article L 2231-1 du code du travail, qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail.

Le Code du travail a envisagé l’éventualité que l’employeur n’exécute pas les engagements résultant d’un accord collectif, en ouvrant diverses voies de recours :

– d’une part au salarié dans le cadre d’un litige individuel devant le conseil de prud’hommes (C. trav., art. L. 2262-12)

– et, d’autre part, aux organisations syndicales.

Outre l’action de substitution qui permet au syndicat, signataire ou non, d’agir au nom de ses membres liés par l’accord (C. trav., art. L. 2262-9 ), un texte spécifique permet à tout syndicat signataire d’agir, en son nom propre, en exécution des engagements contractés (C. trav., art. L. 2262-11 ). Indépendamment de ces actions spécifiques, la jurisprudence a également ouvert la possibilité pour tout syndicat, même non signataire, de réclamer l’exécution des engagements conventionnels résultant d’un accord collectif (étendu ou non), en agissant sur le terrain de la défense de l’intérêt collectif de la profession (C. trav., art. L. 2132-3 ; Cass. soc., 3 mai 2007, n°05-12.340).

Face à ce monopole confié aux organisations syndicales en vue de la défense des intérêts des salariés, on pouvait se poser la question de la place d’une action en justice du comité d’entreprise. C’est le thème qu’a dû trancher la cour de cassation dans son arrêt rendu le 19 novembre 2014.

En l’espèce, un comité d’entreprise et plusieurs organisations syndicales ont saisi le tribunal de grande instance pour enjoindre l’employeur d’appliquer la convention collective Syntec et de verser en conséquence à l’ensemble de ses salariés, les avantages conventionnels prévus :

– la prime de vacance

– la contrepartie liée au travail des jours fériés

– les compléments de salaires pour  incapacité temporaire de travail

– les jours de congés payés supplémentaires.

L’action du comité d’entreprise avait peu de chances d’aboutir au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation dont il résulte que « le comité d’entreprise ne tient d’aucune disposition légale le pouvoir d’exercer une action en justice au nom des salariés » (Cass. soc., 18 mars 1997, n°93-43.989, écartant le bénéfice de l’action dite de substitution prévue par l’article L. 2262-9 du Code du travail).

De la même manière, il a été précisé que l’article L. 2262-11 qui permet aux organisations syndicales liées par une convention ou un accord collectif de travail, d’intenter en leur nom propre une action visant à obtenir l’exécution des engagements contractés, « ne concerne pas le comité d’entreprise » (Cass. soc., 20 septembre 2006, n°04‐10.765).

Plus récemment encore, il a été jugé que le comité d’entreprise, qui n’est ni partie à l’accord collectif ni signataire de celui-ci, n’a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir l’exécution des engagements contractés, cette action étant réservée aux organisations qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail; peu importait ici que cet accord soit relatif aux heures de délégation des représentants du personnel et qu’il ait donc une incidence sur le fonctionnement du comité (Cass. soc., 2 mars 2011, n°10-13.547).

Dans la présente affaire, pour contrer cette jurisprudence, le comité d’entreprise a fait valoir en vain que le refus de l’employeur d’appliquer la convention collective était de nature à affecter les conditions d’emploi et de travail des salariés, lesquelles relèvent du champ de ses attributions légales (C. trav., art. L. 2323-1).

Mais cette démonstration, n’implique pas que le comité ait également qualité à agir.

La cour de cassation a donc confirmé sa jurisprudence antérieure en réaffirmant que le CE n’a pas qualité pour agir en exécution des engagements d’une convention collective. Cette action est réservée aux salariés à titre individuel ou aux syndicats. Un syndicat peut agir en son nom propre pour obtenir l’exécution d’un accord s’il en est signataire mais également former une action en défense des intérêts collectifs de la profession lorsqu’il n’est pas partie à l’accord.

En revanche,  la Haute Cour a déclaré recevable l’action en exécution engagée par les syndicats. L’arrêt apporte toutefois une précision relative à l’objet de la demande formée par ces derniers dans le cadre d’une action collective visant à la défense des intérêts d’une collectivité de travailleurs : elle ne doit pas tendre au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, sans quoi le syndicat ne pourra invoquer un intérêt collectif.

L’arrêt est rendu au visa des articles L. 2262-11 et L. 2132-3 du Code du travail, de sorte que la précision est valable tant pour l’action en exécution engagée par un syndicat signataire, que pour l’action engagée au nom de la défense de l’intérêt collectif de la profession.

Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (20 juin 1990, n°88-12.516 pour l’action fondée sur l’article L. 2262-11 du Code du travail ; Cass. soc., 12 février 2013, n° 11-27.689 pour l’action fondée sur l’article L. 2132-3 du Code du travail).

En l’espèce, la Haute juridiction a constaté que « l’action du syndicat ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées mais à l’application des clauses de la convention collective Syntec à tous les salariés compris dans son champ d’application et poursuivait

En conséquence la réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession. » l’action était par conséquent irrecevable.

 

Précision: L’action d’un syndicat en application d’une convention collective peut être intentée en faveur d’une catégorie du personnel, comme les cadres (Cass. soc. 22 février 2006, n° 04-14771), et un syndicat non-signataire d’une convention a la faculté d’agir sur le fondement de L. 2132-3 du Code du travail pour en demander l’application.

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