Obligation de discrétion des élus : la confidentialité des documents doit être avérée

 

 

Cass. soc., 5 nov. 2014, n° 13-17.270

 

La Cour de cassation pose le principe suivant : ” pour satisfaire aux conditions de l’article L. 2325-5 du code du travail, l’information donnée aux membres du comité d’entreprise doit non seulement être déclarée confidentielle par l’employeur, mais encore être de nature confidentielle, au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur d’établir. »

En l’espèce, au mois d’octobre 2012, la société Sanofi Aventis recherche et développement engage une procédure d’information consultation de son comité d’entreprise sur un projet de réorganisation. Dans ce cadre, deux documents ont été transmis aux membres du comité central d’entreprise (CCE):

  • un premier, intitulé “Projet de réorganisation et d’adaptation 2012-2015 de Sanofi Aventis Recherche et développement”, portant sur le projet de réorganisation
  • un second, portant sur le “Projet de plan de mesures d’accompagnement à la mobilité interne et aux départs volontaires”.

L’ensemble de ces documents était soumis à une obligation de confidentialité illimitée dans le temps des membres du CCE en application de l’article L. 2325-5 du Code du travail, interdisant ainsi toute publication et diffusion, y compris après la réunion de consultation.

Le 11 octobre 2012, le CCE est réuni une première fois pour être d’abord informé. A cette occasion, les élus adoptent plusieurs délibérations, dont l’une pour contester l’usage abusif fait par la direction de la confidentialité relative aux documents présentés. Néanmoins, l’employeur n’est pas en mesure de justifier de la nécessité de ce classement au regard des intérêts légitimes de l’entreprise

Le comité d’entreprise a alors saisi le juge des référés afin, d’une part, qu’il fasse interdiction à la société de se prévaloir, sur l’intégralité des documents, des dispositions de l’article L.2325-5 du Code du travail, qu’il ordonne la reprise à l’origine des procédures d’information et consultation et, d’autre part, qu’il ordonne la transmission aux élus d’un document précisant le nombre maximum de rupture de contrats de travail envisagées, les catégories professionnelles concernées et la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi conforme aux exigences légales.

Le Tribunal de Grande Instance d’Evry donne raison au CCE : l’employeur ne peut classifier l’ensemble des documents comme confidentiels alors que les informations inconnues du public et sensibles qui y figurent ne concernent qu’une partie infime de ces documents. C’est donc bien à l’employeur de déclarer par procès-verbal lors de la réunion du comité sur quelles informations porte la demande de discrétion.

Par ailleurs, le tribunal refuse la reprise de la procédure au motif que les documents ayant tout de même été divulgués à la presse, le CCE avait pu procéder à une discussion avec les salariés sur les projets envisagés.

La Cour d’appel de Paris est donc saisie. Les juges ont confirmé la décision du TGI d’Evry, et prononcé l’annulation des documents transmis. Considérant qu’il y a une atteinte manifestement illicite au mandat des élus justifiant l’annulation de la procédure, la Cour d’appel a ordonné la reprise à l’origine des procédures d’information et de consultation ainsi que la transmission de documents conformes aux exigences légales.

La société a formé un pourvoi en cassation, mais là encore, Le comité central d’entreprise y obtient gain de cause. Les juges ont en effet considéré que l’employeur ne pouvait pas invoquer l’obligation de discrétion comme bon lui semble. Ainsi, seule la défense des intérêts légitime de l’entreprise peut justifier que l’employeur use de l’article L. 2325-5 du Code du travail.

Dès lors que l’employeur n’en n’établit pas la justification, le classement auquel il a procédé porte une atteinte illicite aux prérogatives des membres du comité d’entreprise dans la préparation des réunions. Et une telle atteinte ne peut être réparée que par la reprise de la procédure d’information et consultation à son début, les conditions de préparation des réunions s’en trouvant en effet affectées. La Cour de cassation adopte une solution inédite en considérant que la procédure d’information/consultation doit être reprise à l’origine.

La Cour de cassation avait considéré dans une décision du 6 mars 2012 (Cass. soc., 6 mars 2012, no 10-24.367), que la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un représentant du personnel reposant sur la divulgation d’informations confidentielles devait être annulée, dès lors que le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise ne mentionnait pas que les informations données par l’employeur étaient confidentielles. L’arrêt du 5 novembre 2014 apporte une précision majeure : il appartient à l’employeur de démontrer que l’information doit être protégée au regard des intérêts légitimes de l’entreprise. La solution retenue apparaît logique dans la mesure où c’est bien l’employeur qui choisit d’invoquer la confidentialité de l’information qu’il communique au comité d’entreprise, lui seul ayant conscience de l’ensemble des enjeux et des conséquences que la divulgation de cette information pourrait avoir.

Imprimer

Catégories
Actualités
Etude de cas
Fiches pratiques
Veille
Défiler vers le haut