Cass. soc., 25 janvier 2016, n°14-29.308

 

La référence à la lutte des classes et à la suppression de l’exploitation capitaliste dans les statuts d’un syndicat ne méconnaît aucune valeur républicaine.

La loi 2008-789 du 20 août 2008 qui a inscrit le respect des valeurs républicaines parmi les critères de représentativité syndicale n’en a pas défini les contours.

Selon les travaux parlementaires ayant précédé son adoption, l’institution de cette notion vise prévenir les cas où, sous couvert de syndicalisme, une organisation serait créée avec des buts autres que ceux poursuivis par l’article L.2131-1 du Code du travail relatif aux missions des syndicats et surtout sur des valeurs totalement incompatiblesavec celles fondant la République (Rapport AN n° 992).

Ces précisions faisaient écho à un arrêt de la Cour de cassation, antérieur à la loi du 20 août 2008 mais qui conserve tout son intérêt, par lequel la Haute Juridiction a estimé qu’un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite. En l’espèce l’organisation visée n’était que l’instrument d’un parti politique dont elle servait exclusivement les intérêts et les objectifs en prônant des distinctions fondées sur la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique (Cass. ch. mixte 10-4-1998 n° 97-17.870).

Sous l’empire des règles issues de la loi du 20 août 2008, la chambre sociale a déjà eu l’occasion d’indiquer que l’appréciation du respect des valeurs républicaines doit tenir compte du comportement réel du syndicat et des objectifs effectivement poursuivis, sans s’arrêter aux mentions figurant dans ses statuts. En l’espèce, les statuts du syndicat, datant de 1946, faisaient en effet mention d’une « action directe » ce qui, dans une vision courte de l’histoire, pouvait inspirer quelques craintes quant aux méthodes employées. L’interprétation des statuts d’un syndicat, acte de droit privé, ne relevant pas de son pouvoir, la Cour de cassation invitait cependant à remonter à la Charte d’Amiens de 1906 qui, sous le terme « d’action directe », prône l’autonomie du mouvement syndical par rapport aux autres formes de pouvoirs, en particulier le pouvoir politique. L’action directe, dont il était question dans les statuts du syndicat, ne devait donc pas être confondue avec l’action violente (Cass. soc. 13-10-2010 n° 10-60.130 : RJS 12/10 n° 954).

L’arrêt du 25 janvier 2016 s’inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence en considérant que la référence à la lutte des classes et à la suppression de l’exploitation capitaliste dans les statuts d’un syndicat ne méconnaît aucune valeur républicaine, de sorte qu’un tel syndicat peut, s’il remplit les autres conditions requises, désigner un représentant de section syndicale.

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