Cass. soc. 28 octobre 2014 n°13-19.527
Point de départ du statut protecteur lors d’une demande de résiliation judiciaire
La Cour de Cassation considère que lors d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le salarié ne pourra obtenir une indemnisation pour violation du statut protecteur qu’à condition de bénéficier de ce statut au moment de l’introduction de sa demande. Peu importe qu’il acquiert un mandat en cours d’instance. Celui-ci sera sans incidence sur la résiliation qui produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, M. X… , engagé par l’association Ecole des chiens guides d’aveugles centre Aliénor le 1er mai 2009 en qualité de gardien de nuit, a saisi le 9 novembre 2010 la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, fondée sur le non-paiement d’heures d’astreinte et de diverses primes. Il n’était alors titulaire d’aucun mandat représentatif, mais le 21 décembre 2010 M.X…a été désigné délégué syndical.
Le Conseil de prud’hommes de Bordeaux fait droit à la demande de résiliation et lui alloue au titre de la rupture, les indemnités correspondant à un licenciement nul.
Il est fait appel de la décision auprès de la Cour d’Appel de Bordeaux qui annule le jugement.
M.X….se pourvoi en cassation et reproche à la Cour d’Appel de rejeter sa demande de nullité du licenciement pour atteinte au statut protecteur.
En effet la Cour d’Appel soutient que, comme le salarié n’avait pas la qualité de salarié protégé au jour de l’introduction de l’instance, son licenciement ne pouvait s’analyser comme un licenciement nul et qu’il s’agissait d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion du versement de l’indemnité pour violation du statut protecteur.
Mais la Cour de Cassation rejoint l’avis des juges du fond et précise que « le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie n’a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, qu’au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de la demande ; qu’il en résulte que c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé qu’au jour de la demande de résiliation judiciaire, le salarié ne bénéficiant pas d’un statut protecteur, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation demande à ce que l’on soit vigilant quant au point de départ du statut protecteur lors d’une demande de résiliation judiciaire.
Elle va distinguer selon que le salarié est protégé dès l’introduction de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ou selon qu’il acquiert un mandat en cours d’instance.
Dans le premier cas, si la résiliation est prononcée, elle produira les effets d’un licenciement nul. Dans le second, ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’indemnisation ne sera donc pas la même.
La jurisprudence admet qu’un salarié protégé demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et obtienne des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur[1].
Mais en l’espèce, la Cour vient préciser que pour obtenir cette indemnisation, le salarié doit bénéficier du statut protecteur au jour de la demande de résiliation, peu importe qu’il en bénéficie au moment du prononcé de la résiliation.
Le salarié considéré comme non protégé, la résiliation ne produira que les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non ceux d’un licenciement nul.
La jurisprudence antérieure écartait déjà tout effet d’un mandat obtenu en cours d’instance pour le calcul de l’indemnité suite à une résiliation judiciaire[2].
Suite à un arrêt du 09 juillet 2014, la doctrine, par extension avait déduit de la solution que « lorsqu’un salarié non protégé engage une action en résiliation judiciaire, puis obtient un mandat électif ou syndical au cours de cette instance, la résiliation éventuellement prononcée ne produira pas les effets d’un licenciement nul (puisqu’il ne sera pas tenu compte de ce mandat), mais ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Aucune indemnité pour violation du statut protecteur ne pourra donc être réclamée. »[3]
L’arrêt du 28 octobre permet de confirmer cette déduction et rejoint la cohérence des règles jurisprudentielles posées antérieurement en matière de licenciement et de statut protecteur du salarié[4]
[1] Cass. soc. 16 mars 2005, n°03-40.251 ; Cass. soc. 4 mars 2009, n°07-45.344
[2] Cass. soc. 4 mars 2009, n°07-45.344 ; Cass. soc. 9 juill. 2014, n°13-13.860
[3] Liaisons Sociales Quotidien, Dossier jurisprudence hebdo n° 161/2014 du 9 septembre 2014
[4] Cass. soc. 2 décembre 2008, n°07-45.540
24 avril, 2015