Cass. soc. 24 septembre 2014 n°12-28.664:
Doit être apprécié mission par mission, le temps excédentaire mis par le salarié pour se rendre de son domicile à un lieu de travail différent du lieu habituel de travail
C’est la troisième fois que la Cour de cassation est amenée à se pencher sur ce cas d’espèce, décision qu’elle a de nouveau cassée et renvoyée devant les juridictions du fond.
Un des formateurs itinérants de l’AFPA est amené, pour dispenser ses cours, à effectuer de longs déplacements sur la France entière et par là même, à devoir demeurer sur place pendant plusieurs jours. Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de paiement des heures supplémentaires et de repos compensateur correspondant aux temps de trajet effectués pour se rendre sur ces lieux de missions.
La première cour d’appel qualifie les temps de trajets comme des temps de travail effectif, décision censurée la Haute Juridiction qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si les temps de trajet dérogeaient effectivement au temps de trajet normal[1].
La cour d’appel de renvoi considère que la fonction de formateur itinérant entraîne obligatoirement des temps de trajet long, temps ne pouvant donc pas être considérés comme anormaux et par là même, comme du temps de travail effectif. Une nouvelle fois, la chambre sociale censure ses juges, indiquant qu’ils devaient rechercher si le temps de trajet dérogeait au temps normal du trajet d’un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel[2]. Elle renvoie donc devant la cour d’appel de Paris.
Cette dernière limite le temps de travail effectif à une heure pour une semaine. Considérant en effet, que le trajet à prendre en compte est celui de l’aller du lundi, soit un trajet normal de 30 min et celui du retour le vendredi, soit un trajet normal inverse de 30 min, le salarié se trouvant forcer de se loger sur place. Elle comptabilise pour la semaine de travail entière un temps de trajet de 5 h (5 allers retours). Dès lors, si le salarié part le lundi avec un trajet de 3h et revient simplement le vendredi avec, à nouveau, 3 heures de trajet : il convient de défalquer à ces 6 heures de trajet, les 5 heures de trajet normal calculé par les juges. Avec cette méthode, le temps excédentaire est de 1 heure.
Le salarié se pourvoit en cassation. Il considère en effet, que les juges du fond n’auraient pas du prendre 5 heures de temps de trajet normal, puisque sur 3 de ces 5 jours, le salarié ne réalisait pas son trajet quotidien.
La Cour de cassation censure à nouveau ces juges du fond. Tout comme le salarié, elle considère que si le salarié fait l’aller et le retour une fois dans la semaine, c’est sur cette base qu’il faut calculer. Dès lors, il faut retrancher 1 heure de trajet normal théorique aux 6 heures de trajet réellement réalisé : soit un temps de trajet excédentaire de 5 heures. La Cour de cassation rend sa décision sous le visa de l’article L3121-1 du code du travail : « qu’en statuant ainsi, en retenant le temps de déplacement théorique correspondant à 5 allers retours d’un travailleur type, alors qu’elle avait constaté que le salarié n’effectuait le déplacement entre le domicile et le lieu de travail et retour qu’une fois par semaine, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a ainsi violé le texte susvisé ».
Cette décision va obliger nombre d’employeurs à une gymnastique sur les calculs des trajets domicile-lieu de travail, en particulier, pour les commerciaux travaillant sur l’ensemble du territoire français.
31[1]Cass. soc. 12.03.2014 n°06-45.412
[2]Cass. soc. 14.12.2010 n° 09-42.696
31 août, 2015