Reconnaissance du coemploi cantonnée à des situations exceptionnelles:
Cass. soc. 2 juillet 2014 n°13-15.208
Les effets du coemploi s’avérant redoutables, la Cour de cassation rappelle que sa reconnaissance doit être cantonnée à des situations exceptionnelles.
Victime de son succès, le concept de coemploi est apparu pour bien des critiques, comme utilisé par les juges du fond d’une manière trop opportune, analysée comme technique de soutien aux salariés victimes de politiques de gestion de groupes. A partir de 2013, la chambre sociale a recadré le débat et marqué un infléchissement de sa ligne jurisprudentielle, refusant dans une série d’arrêts de reconnaître le coemploi, désapprouvant souvent les cours d’appel de l’avoir retenu sans le caractériser en l’état de leurs constatations.
Cette affaire « Molex » intervient dans ce cadre de la restriction du champ d’application du coemploi. Désormais, « une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l’égard du personnel employé par une autre que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ».
Le signal fort qu’envoie la Cour de cassation aux juges du fond est qu’ils doivent dorénavant apprécier le concept de coemploi de manière restrictive. En effet « le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et que la société mère ait pris dans la cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois, ne pouvait suffire à caractériser une situation de coemploi ».
Cet arrêt ne pose pas la fin du coemploi. Cependant la reconnaissance d’un état de domination économique étant inhérente à tout groupe de sociétés, il faudra désormais distinguer entre l’ingérence normale et tolérée de la société mère dans les affaires de sa filiale, conséquence de cet état de domination, et l’ingérence anormale et prohibée, caractérisant une situation de coemploi. Concrètement, le coemploi doit être matériellement établi par une immixtion de la société mère dans la gestion sociale et économique et dans son seul intérêt.
05 août, 2015