Cass. Soc., 11 février 2015, n°13-13.689:

 

Possibilité pour un accord de substitution de prévoir le maintien de certaines des dispositions de la convention collective dénoncée puis remplacée.

Par un arrêt du 11 février 2015, la Cour de cassation se positionne sur le thème de la dénonciation de convention collective : quelle convention collective doit être prise en compte en présence d’un accord de substitution?

En l’espèce, M. B., engagé le 16 juillet 1976 par la société X, a pris sa retraite le 30 juin 2010 en qualité de cadre. La convention collective nationale des entreprises membres du réseau Crédit immobilier de France du 18 mai 1988 à laquelle était soumis l’employeur, a été dénoncée le 27 juillet 2007 et un accord de substitution a été conclu le 18 décembre 2007 par les partenaires sociaux prévoyant que la Convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968 se substituait à compter du 1er janvier 2009 à la convention précédemment appliquée. Le salarié, ayant été rémunéré sur la base de la nouvelle convention, celle des sociétés financières, a saisi la juridiction prud’homale de demandes de rappel de prime d’ancienneté et de revalorisation de son indemnité de fin de carrière en invoquant les dispositions plus favorables de la précédente convention en application de l’article 50 de la nouvelle convention.

Pour l’employeur, dès lors que la convention collective du personnel des sociétés de crédit immobilier de France avait été régulièrement dénoncée et qu’un accord de substitution avait été conclu, les stipulations de ce dernier se sont substituées de plein droit à celles de la convention collective dénoncée, sans que les salariés ne puissent prétendre au maintien des avantages individuels acquis.

Le Conseil de Prud’hommes de Poitiers fait droit aux demandes de salarié en s’appuyant sur l’article 50 de la nouvelle convention qui prévoyait qu’elle ne s’appliquait pas si l’avantage concédé précédemment était plus favorable au salarié. Pour les juges du fond, « l’avantage » visé par cet article, s’entend comme l’ensemble des avantages consentis par l’application de la Convention collective, la prime d’ancienneté est donc comprise. De plus, les juges du fond ont relevé la confirmation de l’employeur, en janvier 2009, que la prime d’ancienneté acquise antérieurement était conservée. En conséquence, l’article 50 de la convention s’appliquait pour le calcul de la prime d’ancienneté puisque cet article prévoyait l’application des dispositions antérieures plus favorables au salarié. Attention, pour le CPH de Poitiers cela ne concerne que le mode de calcul de la prime d’ancienneté et non sur le quantum de la prime.

La Cour rejette ce raisonnement au visa des articles L. 2261-9,L. 2261-11 et L. 2261-13 du code du travail sur la dénonciation : la convention collective nationale des sociétés financières est applicable au 1er janvier 2009 en application d’un accord de substitution conclu le 18 décembre 2007. Ainsi, les dispositions de cette convention « s’appliquaient, seules, aux salariés à compter de cette date, sous réserve de la prolongation temporaire, prévue par l’accord de substitution, de certains avantages au nombre desquels ne figuraient pas ceux relatifs à la prime d’ancienneté ». La prime d’ancienneté n’étant pas mentionnée dans l’accord de substitution, elle n’avait pas à être appliquée.

Pour rappel, lorsqu’une convention collective est dénoncée, elle continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de celle qui lui est substituée ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis de trois mois, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure (C. trav., article L. 2261‐10). La Cour avait déjà statué sur les droits acquis sous l’empire des dispositions antérieures : Après la conclusion de ce nouvel accord, les salariés ne peuvent plus se prévaloir de ces droits acquis, sauf clause contraire plus avantageuse (Cass. soc., 30 novembre 1994, n° 91‐43.509).

Cependant, si la convention dénoncée n’a pas été remplacée par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis que les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis en application de la convention (C. trav., article L. 2261‐13). Étant précisé, à propos des primes, que les salariés ne peuvent prétendre qu’au maintien du pourcentage de calcul acquis à la date de cessation des effets de l’accord dénoncé, et non à l’évolution et à la revalorisation de ces primes selon les règles de l’accord dénoncé (Cass. soc., 13 février 2013, n° 10‐26.250, solution relative à une prime d’ancienneté comme en l’espèce).

Mais le contentieux présenté devant la Cour de cassation le 11 février 2015 présente une particularité : un accord de substitution avait été signé. Les salariés ne bénéficiaient plus des avantages de l’ancienne convention, sauf clause plus avantageuse dans l’accord de substitution. La Haute juridiction a considéré que, la disposition invoquée par le salarié, selon laquelle les avantages acquis antérieurement ne pouvaient être réduits, n’était pas une clause plus avantageuse de l’accord de substitution, mais de la nouvelle convention collective (CCN des sociétés financières), qui ne régissait que les situations antérieures à sa conclusion en 1968. Elle n’était donc pas applicable au salarié.

Cependant, se pose une autre question : la haute juridiction précise également que si l’employeur s’était engagé à conserver la prime d’ancienneté acquise par le salarié, cet engagement s’entendait du montant de cette prime. L’employeur avait donc garanti le maintien du montant de la prime, et non de son mode de calcul. Ce sont les modalités de calcul de l’ancienneté prévues par la nouvelle convention qui ont alors vocation à s’appliquer (Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09‐40.899). L’employeur devra donc être vigilant quant à la formulation du maintien de garantie : le montant et/ou le mode de calcul.

Il faut également noter que si un avantage est inscrit dans le contrat de travail, il devra continuer à être accordé en l’état, qu’il y ait ou non accord de substitution. Car un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d’un salarié : seules les dispositions plus favorables d’un accord collectif peuvent se substituer aux clauses du contrat (Cass. soc., 21 février 2007, n° 05‐42.731).

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