TGI Saverne, ord. réf., 2 juill. 2014, n°1400043:
Le droit aux congés payés est d’ordre public : il n’est donc pas possible d’y déroger même sur le fondement de l’adhésion ou du volontariat du salarié. Ainsi, pour faire face à des difficultés économiques, l’employeur ne peut pas solliciter le don volontaire de jours de congés payés sans consulter le comité d’entreprise. Pour solliciter un tel don, l’employeur ne peut emprunter d’autre voie que celle de la négociation d’un accord de maintien de l’emploi.
En l’espèce, trois entreprises du groupe SOTRALENTZ avaient lancé un projet consistant à mettre en place un don volontaire de un à dix jours de congés payés, avec l’engagement moral de compenser cette perte dès que la situation le permettrait. 61% des salariés s’étant prononcés en faveur de ce projet, les différentes sociétés du Groupe ont informé les institutions représentatives du personnel et ont procédé à la mise en œuvre du projet.
Plusieurs organisations syndicales ont alors saisi, en référé, le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de cette mesure. Le TGI de Saverne, dans une ordonnance de référé du 2 juillet 2014, a ordonné la suspension de l’opération et la restitution de leurs droits aux participants. Il considère que l’absence de consultation préalable des comités d’entreprise sur le projet « don de congés » constitue un trouble manifestement illicite. Le tribunal ajoute que les difficultés économiques auraient dû conduire les sociétés du groupe à conclure des accords de maintien de l’emploi tout en précisant que le droit aux congés étant d’ordre public, il ne peut y être dérogé même sur le fondement du volontariat du salarié. Par conséquent, il est fait interdiction aux sociétés de solliciter à l’avenir le don de jours de congés.
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a créé les accords de maintien de l’emploi consacrant ainsi une pratique déjà admise par la jurisprudence. Ces accords permettent, en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise, d’aménager temporairement la durée du travail, ses modalités d’organisation, et de répartition, ainsi que la rémunération (article L. 5125-1 du code du travail).
La question qui se pose est alors de savoir si l’employeur peut utiliser une autre voie que celles des accords de maintien de l’emploi pour obtenir des aménagements relatifs à la durée du travail et à la rémunération. Il semble que non. Le tribunal reproche au groupe de ne pas avoir négocié d’accord de maintien de l’emploi alors que l’opération « dons de congés » avait pour objectif de faire face aux difficultés économiques rencontrées et ceci malgré l’accord des salariés.
En outre, il faut noter que les aménagements introduits par l’accord de maintien de l’emploi ne peuvent concerner les congés payés légaux (article L. 5125-1 du code du travail). Il n’est pas possible pour l’employeur de demander aux salariés d’y renoncer. Ici, le Juge des référés rappelle que la législation sur les congés payés est d’ordre public (Cass. soc., 26 février 1997, n° 93-46.579). Il est donc impossible de renoncer à ce droit, même sur le fondement de l’adhésion ou du volontariat du salarié.
De surcroit, l’employeur devait consulter le comité d’entreprise préalablement à la mise en œuvre du projet : « les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité d’entreprise » (article L. 2323-2 du code du travail). En l’espèce, l’employeur avait manqué à son obligation de consultation puisqu’il ne justifiait que « d’une information sous forme de réunions ou d’une information a posteriori ». Il ne pouvait s’appuyer sur le fait que les salariés avaient accepté de participer à l’opération pour ignorer ses obligations à l’égard des institutions représentatives du personnel. Dès lors, l’absence de consultation constitue un trouble manifestement illicite au titre de l’article 809 du Code de procédure civile qui justifie l’intervention du juge des référés.
Le tribunal a décidé, dans cette ordonnance, qu’il doit être fait interdiction aux sociétés du groupe de solliciter, à l’avenir, le don de jours de congés. Il semblerait qu’il outrepasse, ici, ses prérogatives. L’article 809 du Code de procédure civile ne lui donne compétence que pour prescrire des mesures conservatoires ou de remise en l’état. Interdire aux sociétés défenderesses de solliciter à l’avenir le don de jours de congés relève de la compétence du juge du fond.
08 octobre, 2015