Cass. soc  5 novembre 2014, n° 14-11.634

 

  • Validité de la présence symbolique d’un syndicat intercatégoriel aux côtés d’un syndicat catégoriel sur une liste commune

La liste commune, formée entre un syndicat catégoriel et un syndicat intercatégoriel, est valable, dès lors que cette liste ne comprend de candidats que dans les collèges dans lesquels les statuts des deux organisations syndicales leur donnent vocation à en présenter.

Lorsqu’une liste commune est établie, la répartition des suffrages exprimés est librement déterminée par les organisations syndicales, pourvu qu’elle soit portée à la connaissance de l’employeur et des électeurs de l’entreprise ou de l’établissement concerné avant le déroulement des élections, peu important que cette  répartition aboutisse à faire bénéficier l’une des organisations syndicales de l’intégralité des suffrages exprimés.

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, a profondément bouleversé l’échiquier syndical, notamment dans les entreprises, conduisant les organisations syndicales à modifier leurs stratégies électorales pour conquérir l’audience nécessaire à la reconnaissance de leur représentativité.

Cette loi a souhaité conférer aux syndicats catégoriels affiliés à la CFE-CGE un régime dérogatoire leur permettant de faire mesurer leur audience dans les seuls collèges où leurs statuts leur donnent vocation à présenter des candidats. En contrepartie de ce privilège, qui vaut tant pour la mesure de l’audience de représentativité, que pour celle de la validité des accords  collectifs, les syndicats catégoriels affiliés se voient opposer leur vocation catégorielle limitée et ne peuvent donc ni présenter de candidats dans le premier collège, ni conclure seul (c’est-à-dire sans la signature d’un syndicat intercatégoriel) d’accord collectif inter-catégoriel.

Pour ne pas avoir à modifier leur statut, ce qui leur ferait perdre leur identité syndicale, et le régime favorable qui l’accompagne, les syndicats catégoriels affiliés ont songé à nouer des alliances électorales avec des syndicats intercatégoriels pour pouvoir élargir leur champ d’action.

Dans cette décision rendue par la Cour de cassation le 5 novembre 2014, deux syndicats, l’un catégoriel, l’autre intercatégoriel, s’étaient unis pour présenter une liste commune au sein du collège de l’encadrement, et avaient décidé que seul le syndicat catégoriel pourrait revendiquer le bénéfice des suffrages exprimés en faveur de la liste.

 

En l’espèce, courant novembre 2013, les sociétés ERDF et GRDF ont organisé les élections, des membres du comité d’établissement “clients, fournisseurs, services régionaux, Auvergne, Centre, Limousin”, à l’occasion desquelles la fédération CFE-CGC énergies et le syndicat UNSA énergie ont présenté une liste commune avec une répartition des voix à concurrence de 100 % au profit de la fédération CFE-CGC.

La Fédération nationale de l’énergie et des mines Force ouvrière (FNEM-FO) et une candidate ont alors saisi le tribunal d’instance afin que soit déclarée invalide la liste commune ainsi déposée, la répartition des suffrages retenue et le scrutin dans son ensemble, en vain.

La Cour de cassation valide à son tour l’ensemble du processus électoral.

 

Pour tenter d’obtenir la cassation de ce jugement, les demandeurs faisaient pourtant valoir plusieurs arguments :

  • S’agissant des modalités de répartition des sièges au sein de la liste commune, ils prétendaient, que la notion même de liste commune suppose que la répartition inégalitaire des suffrages, adoptée par les colistiers, n’aboutisse pas à attribuer à l’un d’entre eux la totalité des sièges
  • La Haute juridiction s’en réfère à la liberté syndicale et à l’idée que tout ce qui n’est pas interdit par la loi, doit être autorisé par le juge : “lorsqu’une liste commune est établie, la répartition des suffrages exprimés est librement déterminée par les organisations syndicales pourvu qu’elle soit portée à la connaissance de l’employeur et des électeurs de l’entreprise ou de l’établissement concerné avant le déroulement des élections, peu important que cette répartition aboutisse à faire bénéficier l’une des organisations syndicales de l’intégralité des suffrages exprimés”.

La Cour de cassation a validé cette répartition inégalitaire, à la condition qu’une double information des électeurs, et de l’employeur, soit réalisée au moment du scrutin.

Mais c’est la première fois qu’elle devait se prononcer sur la validité d’une telle clef de répartition aussi évidemment inégalitaire, pour ne pas dire léonine.

La lecture de l’article L. 2122-3 du Code du travail n’est guère éclairante puisque le texte se contente d’indiquer que “la répartition entre elle des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par les organisations”.

  • Les demandeurs considéraient, également, qu’un syndicat catégoriel et un syndicat intercatégoriel ne sauraient présenter de liste commune, compte tenu de leur différence de vocation statutaire.
  • La Haute juridiction s’en tient à la vocation statutaire de chacun et considère que “la liste commune, formée entre un syndicat catégoriel et un syndicat intercatégoriel est valable, dès lors que cette liste ne comprend de candidats que dans les collèges dans lesquels les statuts des deux organisations syndicales leur donnent vocation à en présenter”.

La Cour de cassation valide donc logiquement la pratique, mais sous une réserve qui présente un intérêt crucial, puisque si une telle liste commune est valable, elle n’ouvre aux deux colistiers la possibilité effective de présenter des candidats que dans le ou les seuls collèges dans lesquels les deux ont statutairement vocation à présenter des candidats, c’est-à-dire, en pratique, les collèges 2 et 3, à l’exclusion, donc, du premier collège, auquel un syndicat catégoriel n’a, par définition, pas accès.

 

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