L’entretien d’évaluation, bien que non-obligatoire sur le plan légal, est de plus en plus présent dans le monde de l’entreprise. Celui-ci, dans l’idée, constitue un moment d’échanges entre les salariés et leurs managers afin de réaliser le bilan de l’année écoulée.

La DARES a relevé que ces entretiens pouvaient avoir un effet positif en matière de prévention des risques psycho-sociaux dès lors qu’ils s’avèrent fondés sur des critères précis et mesurables (Dares analyse nº 003 du 9 janvier 2015).

 

La mise en place des entretiens d’évaluation

 

Selon les termes de la Cour de cassation, l’employeur tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d’évaluer le travail de ses salariés et d’apprécier leurs capacités professionnelles (Cass. soc., 10 juillet 2002, nº 00-42.368).À noter également, l’évaluation permet à l’employeur de respecter son obligation générale d’adaptation des salariés à leur poste de travail (C. trav., art. L. 6321-1).

Comme indiqué ci-dessus, aucune disposition légale n’impose à l’employeur de recevoir le salarié dans le cadre d’un entretien d’évaluation à échéances régulières. Il en résulte que l’évaluation peut être réalisée de manière unilatérale, c’est à dire sans entretien préalable avec le salarié.

Toutefois, certaines conventions collectives imposent ces entretiens. Dans ce cas de figure, il devient donc pour l’employeur une obligation conventionnelle pesant sur lui.

À partir du moment où une entreprise organise des entretiens d’évaluation, volontairement ou parce qu’une convention collective l’y oblige, il est impératif que tous les salariés en bénéficient. À défaut, le fait de priver un salarié d’entretien d’évaluation pourrait laisser présumer l’existence d’une discrimination (Cass. soc., 4 mai 2011, nº 09-70.702).

Un salarié qui serait privé d’entretien d’évaluation pourrait en effet demander réparation au titre de la perte de chance d’une évolution de carrière ou d’une possibilité de promotion professionnelle due au défaut d’entretien (Cass. soc., 10 février 2010, nº 08-45.465).

Le CSE doit être informé et consulté sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés (C. trav., art. L. 2312-38 nouveau). Cette consultation doit permettre au CSE de donner son avis sur la pertinence et la proportionnalité entre les moyens utilisés et le but recherché.

Avant le passage au CSE, c’est le CE qui est informé et consulté sur le projet de mise en place d’un dispositif d’entretiens annuel d’évaluation mais aussi le CHSCT en raison des conséquences qu’il peut avoir en termes de santé physique et mentale des salariés.

La Cour de cassation a ainsi jugé obligatoire la consultation du CHSCT en cas de projet d’évaluation au moyen d’entretiens individuels qui peuvent avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, dès lors que les modalités et enjeux de ce dispositif sont de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail (Cass. soc., 28 novembre 2007, nº 06-21.964).

Le défaut de consultation est un délit d’entrave et constitue de plus un trouble manifestement illicite justifiant la suspension du dispositif (Cass. soc., 10 avril 2008, nº 06-45.741).

Rappel :

Lorsqu’une instance rend un avis négatif sur la mise en place d’entretiens d’évaluation, l’employeur n’est pas pour autant tenu de suspendre son projet. Mais ce dernier doit bien prendre conscience du risque auquel il s’expose. En effet, dans l’hypothèse où un salarié serait victime d’un accident du travail, par exemple une dépression nerveuse à la suite d’un entretien d’évaluation, la faute inexcusable de l’employeur pourrait être retenue dans la mesure où celui-ci avait été averti par les représentants du personnel du danger de la méthode d’évaluation choisie.

À la suite de l’information-consultation des représentants du personnel, l’employeur doit également informer les salariés des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle qui les concernent préalablement à leur mise en œuvre (C. trav., art. L. 1222-3). Il doit aussi les informer du caractère obligatoire ou facultatif des réponses, des conséquences d’un défaut de réponse, ainsi que des destinataires des informations recueillies (fiche pratique de la Cnil, 11 mai 2011).

Concernant la convocation, sans surprise, aucun formalisme n’est imposé. L’employeur peut donc convoquer oralement le salarié.

La convocation doit simplement intervenir suffisamment tôt pour permettre au manager comme au salarié de préparer l’entretien.

À la question de savoir si le salarié peut se faire assister par un représentant du personnel lors de cet entretien, la chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par la négative (Cass. crim., 11 février 2003, nº 01-88.014: assistance du salarié par un délégué du personnel). En effet, cela n’entre pas dans les missions des représentants du personnel.

À retenir : l’assistance du salarié lors d’un entretien avec l’employeur n’est prévue qu’en cas d’entretien à caractère disciplinaire.

 

Comment procéder à l’évaluation ?

 

L’employeur a la liberté de mettre en place la méthode d’évaluation de son choix, sous la réserve que la méthode retenue soit pertinente au regard de la finalité poursuivie (C. trav., art. L. 1222-3, al. 3).

La Cour de cassation exige également que l’évaluation des salariés se fonde sur des critères précis et objectifs (Cass. soc., 14 décembre 2015, nº 14-17.152). La Cnil a elle aussi précisé que l’appréciation des aptitudes professionnelles doit se faire sur la base de « critères objectifs et présentant un lien direct et nécessaire avec l’emploi occupé » (Délib. Cnil nº 2005-002 du 13 janvier 2005).

Des juges du fond ont considéré que le ranking, méthode inspirée du modèle américain qui consiste à classer les salariés en différentes catégories en fonction de leurs performances professionnelles et à fixer l’augmentation des salaires en relation avec ce classement, est licite, dès lors qu’il repose sur des éléments objectifs et non-discriminatoires, qu’il est fondé sur des critères préétablis, objectifs, connus et contrôlables, et qu’il n’a pas un caractère disciplinaire (CA Grenoble, ch. soc., 13 novembre 2002, nº 02/02794 Hewlett Packard).

En revanche, le système de « ranking par quotas », qui consiste à classer les salariés en différentes catégories en fonction de leurs performances professionnelles, tout en imposant à l’évaluateur de respecter impérativement, pour chaque catégorie, un pourcentage prédéterminé de salariés à affecter, est condamné par la Cour de cassation. En effet, cette méthode d’évaluation repose sur la création de groupes affectés de quotas préétablis que les évaluateurs sont tenus de respecter.

Les aptitudes du salarié n’ont pas à être minimisées ou surévaluées pour remplir des quotas préétablis. La Haute juridiction semble toutefois admettre les quotas présentés à titre purement indicatif dès lors que l’évaluation reste fondée sur une appréciation objective des compétences et du travail des salariés (Cass. soc., 27 mars 2013, nº 11-26.539 ).

Concernant les critères comportementaux, ceux-ci sont à manier avec beaucoup de précautions. Ils sont admis par les juges du fond, mais avec de fortes restrictions.

Par exemple, la Cour d’appel de Toulouse a ainsi estimé que, « si, pour apprécier les aptitudes professionnelles d’un cadre dont l’activité n’est pas toujours quantifiable (animation de projet, direction d’équipes, etc.), des critères reposant sur le comportement ne sont pas a priori illicites, encore faut-il qu’ils soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l’intégrer dans une activité concrète et à l’évaluateur de l’apprécier avec la plus grande objectivité possible ».

À l’inverse, il faut bannir des critères « dont la connotation morale rejaillit sur la sphère personnelle », et qui « sont trop imprécis pour établir une relation directe suffisante avec une activité professionnelle identifiable » et qui « nécessitent une appréciation trop subjective de la part de l’évaluateur ». Le critère « agir avec courage » a ainsi été jugé trop subjectif (CA Toulouse, 21 septembre 2011, nº 11/00604).

Les critères et les méthodes retenus doivent être compatibles avec la préservation de la santé des salariés. Les juges veillent effectivement à ce que la méthode retenue ne vienne pas augmenter les risques psychosociaux au sein de l’entreprise. Par exemple, une dépression nerveuse soudaine, a été reconnue comme ayant une relation de cause à effet avec un entretien d’évaluation, et a en conséquence été qualifiée d’accident du travail (Cass. soc., 1er juillet 2003, nº 02-30.576).

À ainsi été jugé valide un système de « benchmark », consistant à évaluer continuellement la performance de ses commerciaux par une comparaison permanente de leurs résultats, dès lors qu’il n’était pas source de souffrance collective pour les salariés. Des garde-fous avaient en effet été mis en place par l’employeur : les résultats de chacun des salariés n’étaient pas consultables par les autres, mais seulement par le salarié concerné et son manager ; des formations spécifiques avaient été mises en place à l’attention des managers et des postes aménagés pour les salariés qui ne souhaitent plus exercer de fonctions commerciales (CA Lyon, 21 février 2014, nº 12/06988).

L’évaluation peut être jugée constitutive d’un harcèlement moral. À titre d’exemple, une évaluation professionnelle, auparavant satisfaisante, devenue ensuite défavorable, a été, ajoutée à d’autres éléments, reconnue comme un facteur de harcèlement (Cass. soc., 19 janvier 2011, nº 09-68.009).

 

Spécificités de l’évaluation des représentants du personnel

 

Jusqu’à la loi du 20 août 2008, l’employeur avait interdiction d’instaurer un système d’évaluation propre aux représentants du personnel. La Cour de cassation considérait en effet que la mise en place d’un tel système faisait de l’appartenance syndicale un critère d’application d’un régime différent de celui des autres salariés et caractérisait ainsi une discrimination (Cass. soc., 29 janvier 2008, nº 06-42.066).

Cependant, depuis la loi du 20 août 2008, ainsi que la loi Rebsamen du 17 août 2015, cette solution n’est maintenant plus applicable. La loi impose que soient déterminées par accord collectif les mesures à mettre en œuvre permettant de concilier la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, ce afin de tenir compte, dans l’évolution professionnelle des représentants du personnel désignés ou élus, l’expérience qu’ils ont acquise dans le cadre de leurs mandats (C. trav., art. L. 2141-5).

Par ailleurs, à défaut d’accord d’entreprise portant sur la négociation obligatoire sur la GPEC ou en cas de non-respect de ses stipulations (C. trav., art. L. 2242-2), dans les entreprises ou groupes d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprise de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de 150 salariés en France, la négociation triennale sur la GPEC doit aborder la question du déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et celle de l’exercice de leurs fonctions (C. trav., art. L. 2242-20).

Dans le cadre de ces accords, il est donc tout à fait possible, voire recommandé, de prévoir des modalités spécifiques pour les entretiens d’évaluation des titulaires de mandats syndicaux ou électifs.
Il est certain que l’évaluation professionnelle des représentants du personnel et des représentants syndicaux peut être compliquée lorsque, du fait de l’exercice de leur mandat, ils n’assurent que peu, leurs fonctions professionnelles.

Pour autant, il faut absolument éviter, au cours de l’entretien tout comme dans le compte-rendu, de faire état des mandats représentatifs ou syndicaux de l’intéressé. En effet, sauf application d’un accord collectif sur le déroulement de la carrière syndicale visant à assurer la neutralité du mandat en la matière ou à le valoriser, l’activité syndicale ne peut pas être prise en considération dans l’évaluation professionnelle d’un salarié (Cass. soc., 23 mars 2011, nº 09-72.733).

La mention de la qualité de représentant du personnel dans les fiches d’évaluation, ajoutée à d’autres éléments, laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale (Cass. soc., 15 février 2006, nº 04-41.667).

Même sans connotation péjorative, la simple mention d’une disponibilité réduite du salarié du fait de ses fonctions syndicales peut suffire à faire présumer l’existence d’une discrimination (Cass. soc., 11 janvier 2012, nº 10-16.656).

 

Suites de l’entretien d’évaluation

 

Le Code du travail indique que les résultats des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle sont confidentiels (C. trav., art. L. 1222-3). Cependant, le salarié a bien évidemment un droit d’accès aux comptes-rendus d’évaluation le concernant. En effet, la loi « informatique et libertés » garantit à tout salarié le droit obtenir communication des données confidentielles le concernant dès lors que ces informations sont destinées à prendre une décision à son égard. Ainsi, le salarié est fondé à demander la copie intégrale des données d’évaluation qui le concernent, ainsi que la signification des codes et des valeurs utilisés.

La Cour de cassation considère que l’absence de communication de sa fiche de notation à un salarié qui en fait la demande constitue un des éléments permettant de caractériser un comportement discriminatoire à son encontre (Cass. soc., 23 octobre 2001, nº 99-44.215).

Important à savoir : il est courant de faire signer au salarié le compte-rendu de son entretien d’évaluation. Le refus du salarié de le signer et la manifestation de son désaccord avec les appréciations qui y sont portées ne constituent pas une faute justifiant une mise à pied (CA Chambéry, 19 janvier 2010, nº 09-1180) ou un licenciement (CA Versailles, 9 octobre 2010, nº 07-3427).

Les résultats de l’évaluation peuvent constituer une justification objective des décisions de l’employeur à partir du moment où l’évaluation est fondée sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination prohibée (Cass. soc., 5 novembre 2009, nº 08-43.112). Il en va ainsi des décisions concernant le salaire comme l’évolution professionnelle, mais aussi de sanction ou de licenciement.

Selon la Cnil, les données d’évaluation ne peuvent être conservées au-delà de la période d’emploi de la personne concernée. Toutefois, il est possible de conserver ces informations plus longtemps, par exemple lorsqu’il s’agit de se prémunir contre une éventuelle action en justice d’un ancien salarié. Il faut alors les stocker sur un serveur spécifique, accessible à un nombre limité de personnes et prévoir une traçabilité des opérations de consultation.

Un salarié ne peut refuser d’être évalué. Un tel refus pourrait être considéré comme fautif, car comme indiqué en propos introductifs, l’employeur tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d’évaluer le travail de ses salariés (Cass. soc., 10 juillet 2002, nº 00-42.368). Si un salarié refuse de se rendre à un entretien d’évaluation, l’employeur peut donc a priori le sanctionner pour insubordination. Mais avant d’envisager une telle mesure, il est conseillé d’ouvrir le dialogue avec le salarié pour comprendre les raisons de son refus.

Lorsque les données collectées lors de l’entretien d’évaluation sont destinées à être enregistrées dans un fichier informatique, l’employeur doit préalablement faire une déclaration à la Cnil. Une procédure simplifiée est prévue (norme simplifiée nº 46) : l’employeur doit simplement adresser à la Cnil un formulaire d’engagement de conformité de son dispositif à la norme qu’elle a édictée pour les traitements automatisés relatifs à l’évaluation professionnelle des salariés. Ce n’est que si le dispositif s’écarte des conditions posées dans cette norme que l’employeur doit effectuer une déclaration normale (L. nº 78-17, 6 janvier 1978 ; Délib. Cnil, nº 2005-002 du 13 janvier 2005). L’employeur est dispensé de déclaration s’il a désigné un correspondant informatique et libertés dans l’entreprise.

Remarque :

L’absence de déclaration auprès de la Cnil, y compris par négligence, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende (C. pén., art. 226-16). De plus, un salarié ne peut être sanctionné pour avoir refusé de se soumettre à un dispositif de traitement automatisé de données personnelles non déclaré (Cass. soc., 6 avril 2004, nº 01-45.227) à la Cnil.

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