Cass. Crim. 18 novembre 2015, 14-85.591

La Cour de cassation précise que le fait pour un salarié de mésestimer la portée de ses avances à l’égard d’une collègue ne suffit pas à écarter l’accusation de harcèlement sexuel. Ces faits sans ambiguïté avaient amené la salariée à saisir l’inspection du travail.

Savoir si l’auteur de faits de harcèlement sexuel a réellement conscience de la portée de ses actes importe peu ; seule compte la réalité et les conséquences de ces actes pour la victime.

En l’espèce, la salariée d’un supermarché embauchée en CDD fait l’objet d’avances répétées de la part de son supérieur hiérarchique, le chef de rayon. Tout commence par des compliments sur son physique et une invitation à aller prendre un verre ensemble après le travail. Très rapidement, les propositions se font plus pressantes : modification des plannings pour finir le soir seul avec elle, tentatives de contacts physiques, des phrases ambiguës lorsqu’ils se retrouvent seuls, avances insistantes et renouvelées. Il finit par la menacer en lui disant “qu’elle est sur la sellette” et “qu’au moindre faux pas elle serait sanctionnée”.

La salariée finit par confier sa peur à l’inspection du travail : peur d’aller seule dans la réserve, peur lorsqu’elle finit tard ou qu’elle fait la fermeture seule avec lui, l’amenant à se garer au plus près de la porte d’entrée afin d’être proche du vigile et de son chien. Un certificat médical acte d’ailleurs un “syndrome anxio-dépressif” affectant la salariée, attribué à “un vécu professionnel difficile”. En outre, une deuxième salariée se plaint des mêmes comportements.

Pour sa défense, le chef de rayon invoque le fait que pour être constitué, le délit de harcèlement sexuel (article 222-33, I du code pénal), suppose que l’auteur des propos ou comportements à connotation sexuelle ait conscience d’avoir imposé celui-ci aux victimes.

Mais la Cour de cassation rejette ses arguments : le fait de “mésestimer la portée de ses agissements” ne permet pas au salarié de se dédouaner ; il a bien “en connaissance de cause (…) imposé aux parties civiles, de façon répétée, des propos ou des comportements à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée”.

La Cour de cassation confirme ainsi l’arrêt d’appel qui avait souligné le fait que le salarié avait “de manière insistante et répétée, en dépit du refus des salariées de céder à ses avances, formulé verbalement ou par messages électroniques (SMS), des propositions explicites ou implicites de nature sexuelle, et adopté un comportement dénué d’ambiguïté consistant notamment à tenter de provoquer un contact physique”. Les juges constatent que “les salariées ont souffert de cette situation au point d’alerter l’inspection du travail”.

Les faits de harcèlement sexuel sont bien constitués, en conclut la Haute juridiction.

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