Toute modification unilatérale du contrat de travail et notamment, celle de la rémunération ne justifie pas la résiliation du contrat de travail.

 

  • Cass.soc., 12 juin 2014, n°12-29.063, FS+B+P 

Un VRP a signé avec son employeur un contrat qui comprenait de nombreux avenants relatifs à sa rémunération. Or, son employeur lui notifie la baisse de son taux de commissionnement. Trois ans plus tard, le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat, en raison de la modification unilatérale de son contrat par son employeur. La Cour d’appel le déboute de ses demandes de résiliation et dommages et intérêts. Le salarié forme donc un pourvoi en cassation et invoquait en outre, le fait que la modification par l’employeur du mode de rémunération justifiait en elle-même, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

La chambre sociale rejette le pourvoi au motif que « la Cour d’appel, qui a constaté que la créance de salaire résultant de la modification unilatérale du contrat de travail représentait une faible partie de la rémunération, a pu décider que ce manquement de l’employeur n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail ; que, sans être tenue de faire droit à une demande fondée sur une offre amiable et sans encourir les griefs du moyen, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

 

  • Cass.soc., 12 Juin 2014, n°13-11.448, FS+B+P

Le contrat de travail d’un attaché commercial prévoyait une rémunération fixe à laquelle s’ajoutaient des commissions calculées à des taux variables. L’employeur a proposé au salarié un avenant à effet rétroactif au 1er janvier 2008, en vue de modifier la structure de sa rémunération. Le salarié ayant refusé, l’employeur lui a imposé cette modification. Trois ans après, le salarié saisit le juge prud’homal afin de dénoncer cette modification unilatérale de son contrat. La Cour d’appel refuse de prononcer la résiliation aux torts de l’employeur. Par conséquent, le salarié se pourvoit en cassation en faisant valoir que la rémunération est un élément du contrat qui ne peut pas être modifié sans l’accord du salarié et ce, quand bien même le mode de rémunération serait plus avantageux pour lui. Ce manquement suffisamment grave justifiait la résiliation. La Cour de cassation donne raison aux juges du fond en considérant « que la modification appliquée par l’employeur n’avait pas exercé d’influence défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié pendant plusieurs années, la Cour d’appel , qui a ainsi fait ressortir qu’elle n’était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n’encourt pas les griefs du moyen ».

 

Commentaire :

 

La Cour de cassation était amenée à se prononcer sur la question suivante : la modification de la rémunération par l’employeur était-elle de nature à empêcher la poursuite du contrat ?

Ces deux arrêts s’inscrivent dans la lignée jurisprudentielle dégagée par la Cour de cassation dans trois arrêts en date du 26 mars 2014 où elle entendait préciser plus strictement les cas où la résiliation et la prise d’acte pouvaient être admises. En effet, dans ces trois arrêts la Cour de cassation avait jugé que la demande en résiliation n’est fondée qu’en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat. La Cour de cassation, dans ces arrêts du 12 juin 2014 tire donc les conséquences des règles dégagées, en mars, en l’appliquant en matière de modification unilatérale de la rémunération.

En l’espèce, Les salariés avaient été déboutés de leur demande en résiliation judiciaire qu’ils fondaient sur une modification unilatérale de leur rémunération.

En effet, de jurisprudence constante, la modification unilatérale du contrat par l’employeur suffisait à justifier par nature la résiliation de celui (1).

Désormais, la modification unilatérale de la rémunération comportant un élément variable ne justifie pas en soi la résiliation. Les juges prendront en compte les conséquences de cette modification sur la poursuite du contrat. Le manquement suffisamment grave étant celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans les deux affaires évoquées, la Cour d’appel avait constaté que cette modification n’avait pas exercé d’influence sur la rémunération ou bien que cette modification ne concernait qu’une faible partie de la rémunération. Elle avait donc pu légitiment en déduire que la poursuite du contrat n’avait pas été empêchée alors même que le manquement de l’employeur était avéré.

On peut noter que dans l’affaire concernant le VRP, celui-ci avait attendu trois ans avant d’agir en justice, ce qui prouvait que cette modification du contrat n’était pas un manquement d’une gravité telle qu’il compromettait la poursuite du contrat.

La Cour de cassation exercera désormais un contrôle léger. Autrement dit, elle ne contrôlera que les erreurs manifestes lorsque les manquements empêchent la poursuite d’un contrat. Cette solution est louable car elle vient mettre un terme à des comportements opportunistes très souvent dénoncés. En effet, l’automaticité de la résiliation en cas de modification du contrat conduisait des salariés à profiter de cette règle pour se libérer du contrat à des conditions favorables.

 

Conseil :

 

Il ne faut pas croire que la Cour de cassation remet en cause la jurisprudence Raquin(2). L’employeur n ‘a toujours pas le droit d’imposer une modification unilatérale du contrat au salarié. Il ne peut pas imposer une modification de la rémunération dans son montant et sa structure, quelque soit son importance et, même si elle est plus avantageuse pour le salarié. Ainsi, si les salariés ne peuvent pas invoquer la résiliation du contrat, ils pourront néanmoins, agir en exécution du contrat par la voie du référé prud’homale.

(1) Cass. Soc., 10 octobre 2007, n°04-46.468

(2) Cass.soc., 8 octobre 1987, Raquin et Trappiez- Bull. Civ. V, n°451.

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