cass. soc. 6 janvier 2016, n°15-14.027, 15-14.368 et 15-15.084:

 

La Cour de cassation confirme, dans plusieurs arrêts du 6 janvier 2016, que le mandat d’un ancien RSS peut être immédiatement renouvelé après les élections si leur périmètre est différent de celui qui prévalait au moment de la désignation initiale.

 

  1. Selon l’article L 2142-1-1 du Code du travail, le mandat du représentant de la section syndicale (RSS) prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Ce texte prévoit aussi que le salarié qui perd ainsi son mandat ne peut pas être désigné de nouveau en cette qualité jusqu’aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes. Ces dispositions reposent notamment sur l’idée que l’échec du syndicat est, au moins en partie, imputable à son représentant qui se trouve dès lors disqualifié. Elles conduisent à imposer une nouvelle désignation du RSS lorsque celui-ci peut, par dérogation, être reconduit dans son mandat.

La défaite électorale n’interdit pas toujours  de renouveler le mandat de l’ancien RSS.

 

  1. La Cour de cassation veille à ne pas étendre la portée de ce texte au-delà de sa lettre. Ainsi, prenant en considération le lienau moins implicitement établi par l’article L 2142-1-1 du Code du travail entre l’action du représentant de section et les résultats électoraux du syndicat, elle en exclut l’application lorsque le périmètre au sein duquel le représentant a été désigné et celui au sein duquel les résultats électoraux du syndicat sont mesurés ne correspondent plus (Cass. soc. 25 -9-2013 n° 12-26.612).

Cette règle est confirmée dans deux arrêts (nos 15-60.138 et 15-14.027). La  Cour de cassation censure la décision des juges dans le premier pour n’avoir pas recherché si le périmètre des élections avait été modifié par rapport à celui retenu lors des élections précédentes. Dans le second, elle approuve, au contraire, les juges du fond d’avoir validé le renouvellement du mandat après avoir constaté que l’établissement principal avait non seulement changé de nom mais également de périmètre.

 

  1. Au-delà de la simple réitération d’une solution déjà acquise, ces arrêts sont intéressants au regard du particularisme de l’implantation syndicaleen l’espèce.

Dans l’arrêt du 25 septembre 2013, la Haute Juridiction s’était prononcée sur un cas où le périmètre d’implantation du comité d’entreprise ou d’établissement était le même que celui des représentants des sections syndicales.

Or, tel n’était pas le cas ici. L’entreprise en cause était divisée en plusieurs établissements principaux, chacun disposant d’un comité d’établissement. Ces établissements étaient eux-mêmes divisés en établissements secondaires qui leur étaient rattachés. Un accord d’entreprise permettait aux organisations syndicales non représentatives au sein d’un établissement distinct pour les élections au comité d’établissement, de désigner un représentant de section syndicale au niveau de l’établissement principal, et un représentant de section syndicale au niveau de chaque établissement secondaire rattaché à cet établissement principal, c’est-à-dire dans des périmètres plus étroits que ceux des comités d’établissement. Dans ces établissements secondaires, plusieurs anciens RSS se trouvaient pareillement concernés et par là appelés à subir le même sort : en l’absence de modification du périmètre des élections du comité de l’établissement principal, aucun ne pouvait être immédiatement renouvelé dans ses fonctions. En cas de modification de ce périmètre, tous étaient susceptibles de l’être

 

  1. Depuis que la loi 2014-288 du 5 mars 2014 a modifié l’article L 2143-3 du Code du travail en dissociant le périmètre d’implantation des comités et celui des délégués ou des représentants de sections syndicales, ce dernier pouvant être plus étroit, une telle configuration va devenir banale dans nombre d’entreprises. En clair, une entreprise considérée comme n’ayant aucun établissement distinct au sens des comités d’entreprise pourra avoir un comité d’entreprise unique, tout en ayant plusieurs établissements distincts au sens des délégués syndicauxet des représentants de sections syndicales. Ces représentants de sections seront dès lors tous soumis à la prohibition prévue par l’article L 2142-1-1 du Code du travail si, le périmètre du comité d’entreprise n’étant pas modifié lors des élections suivantes, leur syndicat ne parvient pas à accéder à la qualité de syndicat représentatif.

Une réorganisation n’entraîne pas forcément une modification du périmètre électoral

 

  1. L’intérêt des arrêts nos15-14.368 et 15-15.084, qui concernent la même entreprise que les deux précédents, réside dans la question posée : que faut-il entendre par modification, entre deux élections, du périmètre électoral servant de cadre à l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales ?

En l’espèce, il y avait eu, entre deux élections, des recompositions d’établissements dits secondaires (donc compris dans le périmètre d’un même comité d’établissement principal), certains ayant été fusionnés. Mais les juges avaient constaté que ces recompositions ou fusions avaient été effectuées sans modification sensible des éléments déjà intégrés dans le périmètre électoral précédent. Au-delà d’un découpage différent, on retrouvait les mêmes salariés dans les deux élections. Dès lors, le corps électoral auprès duquel les représentants de sections syndicales avaient pu exercer leur action n’avait pas été modifié dans sa substance. L’échec du syndicat lors des nouvelles élections l’empêchait donc de désigner immédiatement après ces élections les mêmes salariés en tant que représentants de sections syndicales.

 

  1. Faut-il en conclure a contrario que toute altération de la substance du corps électoral appelé à conférer ou non la qualification de syndicat représentatif à l’organisation ayant désigné des représentants de sections syndicales constitue une modification du périmètre électoral de nature à faire échec à l’application de l’article L 2142-1-1 ?  Et qu’entendre par modification de la substance du corps électoral ? Il sera intéressant de suivre l’évolution de la jurisprudence sur ce point.
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