Principe de non discrimination dans l’entreprise pour les salariés pacsés avant la loi du 17.05.2013

 

Cass. soc. 9 juillet 2014 n° 10-18.341 et 12-20.864

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a tranché la question portant sur la situation juridique, en droit du travail, des couples homosexuels pacsés et des prérogatives ou autres avantages auxquels ils ont droit, comparativement aux couples mariés, antérieurement à la loi du 17 mai 2013. Par deux arrêts, elle rétablit l’égalité de traitement entre les homosexuels pacsés et les couples mariés.

Le présent contentieux est donc très limité dans sa portée et n’intéresse que les situations nées antérieurement à la loi du 17 mai 2013, puisque le législateur a donné les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels en leur accordant le droit au statut marital.

En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi[1] ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, des discriminations pouvaient encore exister en termes d’avantages (primes, congés etc) dans les entreprises, entre les salariés décidant de se pacser avec une personne de même sexe et les salariés mariés. Les couples homosexuels ne pouvaient obtenir un statut marital car le mariage leur était fermé ; seul le PACS leur été possible. Les avantages réservés aux couples mariés leur été donc fermés.

Pourtant, en vertu du principe de non discrimination dans l’entreprise, pour les situations nées antérieurement à cette loi, la qualification de discrimination peut être discutée.

Les dispositions de l’article L1132-1 du code du travail interdisent toute discrimination envers un salarié en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs ou de son orientation ou identité sexuelle. En matière de preuve afférente à une discrimination, le code du travail prévoit en son article L 1134-1 que le salarié doit présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination à son encontre au sein de l’entreprise, de la part de son employeur ou de sa hiérarchie. Ce sera à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs mais surtout étrangers à toute discrimination à l’égard de ce salarié.

Dans la première affaire (n°10-18.341) un salarié avait demandé à son employeur l’attribution de jours de congés et d’une prime accordés au personnel en cas de mariage par la convention collective nationale du Crédit Agricole, à la suite de la conclusion d’un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe.

L’employeur avait refusé, et cette opposition a été confirmée par le conseil des prud’hommes et la cour d’appel.

Cependant, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie. Par un  arrêt du 12 décembre 2013, elle rappelle que, conformément à la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, la disposition de la convention collective nationale du Crédit Agricole relative à l’octroi d’avantages dont bénéficient les salariés en cas de mariage est contraire au droit européen. Le salarié qui conclut un PACS avec une personne de même sexe, est donc en droit d’obtenir les mêmes avantages (jours de congés spéciaux et primes salariale) que les personnes mariées, lorsque la réglementation nationale de l’État membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier et dans la mesure où il se trouve dans une situation comparable à celle d’un travailleur qui se marie.

Pour rejeter la demande du salarié, les juges du fond ont estimé que le PACS se différencie du mariage par les formalités relatives à la célébration, à la possibilité d’être conclu par deux personnes de même sexe ou sexe différent, par le mode de rupture, par les obligations réciproques en matière de droit patrimonial, de droit successoral et droit de la filiation. Les juges avaient donc écarté la discrimination. La cour d’appel considérait que les salariés concluant un PACS n’étaient pas dans une situation identique aux salariés qui se mariaient.

La Haute Juridiction casse l’arrêt d’appel. L’arrêt de la Cour de cassation se situe dans le prolongement de celui rendu par la CJUE. La cour rejette l’analyse des juges du fond car elle estime que les salariés qui ont conclu un PACS avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés se mariant. Les dispositions de la convention collective ont donc instauré une discrimination directement fondée sur l’orientation sexuelle et doivent, en l’espèce être écartées.

La cour confirme sa position, dans la seconde affaire (n°12-20.864). En l’espèce, une salariée invoque l’existence d’une discrimination en raison de son orientation sexuelle du fait du refus de son employeur de la faire bénéficier d’une prime de mariage et de jours de congés spéciaux lors de la conclusion d’un PACS avec une personne de même sexe. La position de la Cour reste identique puisqu’elle affirme que « les salariés qui concluaient un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe se trouvaient, avant l’entrée en vigueur de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage et que les dispositions litigieuses du statut national du personnel des industries électriques et gazières instauraient dès lors une discrimination directement fondée sur l’orientation sexuelle, ce dont il résultait que leur application devait être en l’espèce écartée. »

L’essentiel

En conclusion, les employeurs ne pouvaient justifier une différence de traitement pour l’attribution d’avantages, octroyés normalement pour un mariage, entre les salariés concluant un PACS avec une personne de même sexe et ceux qui se mariaient. Mais cette situation est révolue depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013, ouvrant le « mariage pour tous ».

 

[1]Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013

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