Requalification d’une démission équivoque en prise d’acte de la rupture

Cass. Soc., 24 septembre 2014, n°12-29.224, F-D:

 

La démission est à distinguer de la prise d’acte en ce que la première est une décision non équivoque du salarié[1]. A l’inverse, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est une rupture subie par le salarié et non voulue par lui. Dès lors, on peut penser que pour qu’une prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse il faut que le salarié se soit, au préalable, plaint des manquements de l’employeur et l’en avoir informé ou du moins, avoir fait part des manquements reprochés à l’employeur lors de la notification de la prise d’acte de la rupture.
Cependant, il n’en est rien. En effet, le salarié peut démissionner et demander, par la suite, à la juridiction prud’homale de la qualifier en prise d’acte de la rupture en se fondant sur les éléments de fait caractérisant le caractère non équivoque de la démission.

En l’espèce, un salarié a démissionné le 17 février 2009. Quelques jours après avoir rompu son contrat de travail, le salarié a adressé une lettre à l’employeur dans laquelle il a invoqué des griefs l’ayant conduit à rompre le contrat de contrat et notamment un grief relatif au nombre d’heures travaillées. Le 22 juin 2009, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en demandant, notamment, des sommes au titre de la rupture de son contrat de travail.

La cour d’appel donne droit à la demande du salarié et qualifie la rupture décidée à l’initiative du salarié d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur se pourvoit alors en cassation en invoquant, au sujet de la qualification de la rupture en prise d’acte de la rupture, que le salarié n’avait fait part d’aucune réserve dans sa lettre de démission et n’avait jamais formulé la moindre réclamation à propos de ses conditions d’emploi. Il en déduisait ainsi « qu’en l’absence de différend antérieur ou contemporain à cette rupture, rien ne permettait de remettre en cause la manifestation de sa volonté claire et non équivoque de démissionner ».

 

La rupture d’un contrat de travail à l’initiative du salarié doit-elle être analysée en une démission ou en une prise d’acte lorsque les manquements reprochés à l’employeur n’ont été signalés à ce dernier que postérieurement à la rupture ?

La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond sur la qualification de la rupture en prise d’acte en décidant « que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission ».

Cette solution confirme une jurisprudence constante selon laquelle une démission peut être considérée comme équivoque et être alors requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail lorsque la rupture à l’initiative du salarié est intervenue en raison de faits qu’il reprochait à son employeur.

 

[1] Cass. Soc., 24 septembre 2014, n°12-29.224 : « la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ».

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