Cass, Soc, 21 janvier 2015, n°13-16.896, F-P+B
Une prise d’acte intervenue dans le respect du préavis et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut donner droit au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis.
Suite à une démission sans réserve, le salarié voit la rupture de son contrat de travail requalifiée en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse par la juridiction prud’homale et ce, malgré le fait que le salarié ait effectué le préavis conventionnel de trois mois. Il espérait ainsi percevoir les différentes indemnités découlant de la qualification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont l’indemnité compensatrice de préavis.
La cour d’appel donne droit à la demande du salarié et décide que l’indemnité compensatrice de préavis était due au salarié et ce, indépendamment du fait que ce dernier avait effectué le préavis. Un pourvoi devant la Cour de cassation a ensuite été formé au sujet de cette indemnité.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse doit-elle nécessairement donner lieu au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis alors même que le salarié dont le contrat est rompu a effectué son préavis ?
La Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond en précisant que « peu important la qualification intervenue, l’intéressé n’avait pas droit au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis » étant donné « qu’il résultait [des] constatations [de la cour d’appel] que le préavis avait été exécuté ».
Commentaire :
Cette décision confirme la jurisprudence selon laquelle le fait qu’un salarié exécute son préavis n’est pas incompatible avec la qualification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si, de ce point de vue, le fait que le salarié a effectué son préavis n’a aucune répercussion, il en est autrement en ce qui concerne les droits du salarié relativement à l’indemnité compensatrice de préavis.
Pour comprendre cette décision, il convient d’abord de préciser que la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse permet au salarié de bénéficier des indemnités de rupture afférentes à ce type de licenciement(1).
En effet, en principe la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse permet, notamment, au salarié de bénéficier de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents(2).
Cependant, une exception existe : le fait que le salarié a effectué son préavis le prive de l’indemnité compensatrice de préavis et ce, quand bien même la rupture du contrat est intervenue dans le cadre d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette décision n’est pas surprenante et n’est que le prolongement d’une décision antérieure par laquelle les juges avaient décidé que l’indemnité devait « correspondre au solde du préavis non exécuté » et que « les juges du fond doivent amputer le montant théorique de l’indemnité au montant de salaires versés durant le préavis effectivement accompli par le salarié »(3).
Conseil :
Par principe, l’indemnité compensatrice de préavis devra être versée au salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail lorsque celle-ci est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cependant, dès lors que le préavis est effectué par le salarié, cette indemnité ne devra pas lui être payée.
Un préavis partiellement exécuté ne donnera droit au paiement d’une indemnité que pour la partie du préavis non effectuée.
Concernant les suites de la prise d’acte, il faut souligner que si le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts lorsque la rupture a été analysée comme une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement, rien n’est automatique.
En effet, la requalification d’une prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse n’entraîne pas droit à l’obtention de dommages-intérêts de plein droit(4).
(1) Cass. Soc., 23 septembre 2014, n°13-13.593 : « lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ; qu’il s’ensuit que le juge qui décide que les faits invoqués justifiaient la rupture doit accorder au salarié qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et les dommages-intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse »
(2) Cass. Soc., 23 septembre 2014, n°13-13.593 et Cass. Soc., 24 septembre 2014, n°13-17.812
(3) Cass. Soc., 2 juin 2010, n°09-40.215
(4) Cass. Soc., 27 novembre 2014, n°13-17.014 : « Mais attendu qu’ayant relevé que la salariée ne réclamait aucune indemnité du chef de la rupture, c’est à bon droit que la cour d’appel ne lui a pas alloué de somme à titre de dommages-intérêts »
11 août, 2015