CJUE 17 mars 2015 aff. 533/13:

 

La Cour de justice n’interdit pas les restrictions au recours au travail intérimaire.

 

La Cour de justice estime que la directive 2008/104 relative au travail intérimaire n’impose pas une révision des restrictions au recours au travail temporaire. Elle a été amenée à se prononcer à propos de la disposition qui prévoit un réexamen des interdictions ou restrictions au recours au travail intérimaire :« les interdictions ou restrictions concernant le recours aux travailleurs intérimaires sont uniquement justifiées par des raisons d’intérêt général tenant, notamment, à la protection des travailleurs intérimaires, aux exigences de santé et de sécurité au travail ou à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché du travail, et d’empêcher les abus ».

Ce texte imposait aux États membres de réexaminer les restrictions existantes au plus tard au 5 décembre 2011 « afin de vérifier si elles restent justifiées par les raisons visées » (ci-dessus).

Les faits concernent la société Shell Aviation Finland Oy, adhérente de l’organisation patronale sectorielle Öljytuote qui livre du carburant dans les aéroports finlandais.

L’organisation syndicale AKT a saisi la juridiction de renvoi afin de faire condamner Öljytuote et Shell au paiement de la pénalité financière prévue par la convention collective, du fait que Shell emploie régulièrement des intérimaires « à une échelle considérable, pour effectuer des tâches identiques à celles effectuées par ses propres travailleurs », ce qui constitue « une pratique déloyale au sens de la disposition conventionnelle litigieuse ».

En effet, les conventions collectives applicables prévoient que « les entreprises doivent limiter le recours au travail intérimaire à l’amortissement des pointes de travail ou à d’autres tâches, limitées dans le temps ou leur nature, que, pour des raisons d’urgence, de durée limitée, de compétences professionnelles, d’emploi d’instruments spécialisés ou d’autres raisons similaires, elles ne peuvent pas faire effectuer par leur propre personnel ».

Les défendeurs ont soutenu que le recours aux intérimaires « était justifié par des motifs légitimes, en tant qu’il visait pour l’essentiel à assurer le remplacement des travailleurs pendant les périodes de congé annuel et de congé de maladie ». Par ailleurs, ils remettaient en cause la compatibilité des restrictions avec les justifications prévues par l’article 4, paragraphe 1, de la directive.

La juridiction finlandaise saisie s’est tournée vers la Cour de justice. L’enjeu était de déterminer la portée de ce texte et de voir si des restrictions maintenues dans les législations des États membres ou dans les conventions collectives applicables dans ces mêmes États pouvaient être contestées si elles n’apparaissent pas justifiées à l’aune des critères retenus par l’article 4 exposé ci-dessus.

La Cour de justice n’a pas suivi les propositions de son avocat général. Elle considère que les États membres sont libres « soit de supprimer les interdictions ou les restrictions qui ne pouvaient pas être justifiées au titre de cette disposition, soit d’adapter ces dernières afin qu’elles puissent être, le cas échéant, justifiées au titre de ladite disposition ».

Les magistrats ont donc estimé que la directive n’imposait pas aux juridictions nationales l’obligation de laisser inappliquée toute disposition de droit national comportant des interdictions ou des restrictions concernant le recours aux travailleurs intérimaires qui ne sont pas justifiées par des raisons d’intérêt général au sens dudit article 4.

L’arrêt rendu par la Cour de justice a été salué par le mouvement syndical, car il ne donne pas de prise aux organisations employeurs pour dénoncer les restrictions existant au niveau national.

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