CJUE, 11 septembre 2014, aff. C-328/13:

 

Les travailleurs transférés ont droit au maintien des conditions de travail résultant de la convention collective du cédant lorsque, bien que résiliée, ses effets sont provisoirement maintenus par la loi.

Cette décision présente deux intérêts : quantitatif car les décisions de la Cour de justice concernant les effets de transfert d’entreprise sont rares, et qualitatif dans la mesure où, pour la première fois, la Cour fait une interprétation large de la règle du transfert du statut collectif.

Les faits étant quelques peu complexes, il paraît important de les mentionner en détail. Conformément à la législation autrichienne, la chambre de commerce autrichienne et la confédération autrichienne des syndicats ont conclu deux conventions collectives : une, au niveau de la société mère pour tout le groupe, une autre pour une filiale du groupe. Dans le but de remédier à des pertes d’exploitation, la société mère a décidé de transférer, avec effet au 1er juillet 2012, son activité aérienne à ladite filiale, par voie de transfert d’établissement, afin que les travailleurs affectés à cette activité soient soumis aux conditions prévues par la convention collective de la filiale, lesquelles sont moins favorables que celles prévues par la convention collective de la société mère. Suite à ce transfert les deux conventions ont été résiliées (conformément au droit autrichien). Suite à cela, l’employeur de la filiale a adopté des règles de manière unilatérale ce qui aurait considérablement diminué les conditions et rémunérations des travailleurs récemment transférés.

La question posée devant les juridictions autrichiennes était de savoir si seule la convention continuait après le transfert, ou si les effets d’une convention résiliée étaient également maintenus lors d’un transfert d’entreprise. La juridiction autrichienne va alors surseoir à statuer et poser une question préjudicielle à la cour de Justice de l’Union Européenne.

La question préjudicielle qui va être posée à la Cour porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements qu’« après le transfert, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective. Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail, sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an». Autrement dit, c’est la question du maintien légal des effets d’une convention collective résiliée lors d’un transfert d’entreprise.

Après avoir rapidement écarté l’irrecevabilité soulevée, la Cour nous propose une analyse audacieuse de la directive 2001/23. Elle rappelle tout d’abord « que la directive 2001/23 ne vise qu’à une harmonisation partielle de la matière qu’elle régit » , elle n’a donc pas pour but d’instaurer « un niveau de protection uniforme pour l’ensemble de l’Union en fonction de critères communs »[1]. Mais pour la Cour, la directive porte sur le maintien des conditions de travail de la convention et non la convention elle-même, elle a donc un champ d’application plus large. En effet, toutes les conditions de travail ayant pour origine une convention collective se verront appliquer la directive, et ce, peu important qu’elles aient été maintenues par la suite par un autre mécanisme que la convention collective (ici, la loi autrichienne).

Pour que les conditions de travail soient maintenues lors du transfert, il suffira que ces conditions aient pour origine une convention collective et lient effectivement le cédant et les travailleurs transférés.

Enfin, la CJUE appuie sa décision sur l’esprit de la directive qui est de protéger les salariés transférés et d’éviter un changement trop soudain des conditions de travail résultant du seul transfert d’entreprise.

Il est à noter que le maintien ne se fait qu’en l’absence de nouvelle convention, donc il n’apparaît pas qu’une telle règle fasse obstacle à la possibilité pour le cessionnaire de procéder aux ajustements et aux adaptations nécessaires à la continuation de son activité, sachant que la convention collective du cessionnaire ne s’applique pas aux salariés transférés.

 

[1] Voir, notamment, arrêts Collino et Chiappero, C 343/98,  C 396/07

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