TGI NANTERRE, ref., 15 janvier 2015, n°15/00093

 

La mise en place d’un comité d’établissement par une société dans chacun de ses 50 sites en France et notamment dans un établissement manifeste qu’elle a reconnu que ceux-ci disposaient d’une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l’activité économique. Si des comptes consolidés sont établis au niveau du siège et que le CE a mis en place une expertise comptable sur ceux-ci, il n’en demeure pas moins évident que ces comptes sont établis à partir des données fournies par les différents établissements qui sont à même de justifier, par exemple, pour chacun du montant des salaires distribués, du chiffre d’affaires réalisé, de la quantité de produits de santé distribuée…

Le droit pour un comité d’entreprise ou d’établissement d’avoir recours à une expertise comptable n’est subordonné à aucune condition, et compte tenu de son caractère absolu, ce droit ne peut pas être, comme le prétend la société, une question qui nécessite un débat ayant pour conséquence de retarder l’exercice de prérogatives des salariés.

La mise en place d’un comité d’établissement établit en elle-même que ce dernier a une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l’activité économique.

Le comité d’établissement a les mêmes pouvoirs que le comité central d’établissement et peut désigner un expert dont la mission, qui n’est pas seulement l’analyse comptable des comptes de résultat et prévisionnels qui peuvent ne pas exister au niveau de l’établissement, doit permettre au comité de connaître la situation économique, sociale et financière de cet établissement, notamment par rapport aux autres.

Le comité était donc parfaitement bien fondé à demander cette expertise qui peut lui permettre d’exercer ses droits en connaissant les données économiques relatives à l’établissement, et la société doit être déboutée de sa demande de suspension de la mesure.

Selon l’article L.2325-35 du Code du travail, le comité d’entreprise peut se faire assister d’un expert-comptable de son choix payé par l’employeur notamment en vue de l’examen annuel des comptes de l’entreprise, que celle-ci ait ou non la forme de société.

Dans les entreprises à établissements multiples, en règle générale, les comptes sont établis au niveau de l’entreprise entière, de sorte que seul le comité central d’entreprise se fait assister d’un expert-comptable, rémunéré par l’employeur, pour leur examen.

Mais qu’en est-il des comités d’établissements ? Peuvent-ils exiger de recourir à un expert-comptable au frais de l’employeur pour l’examen des comptes annuels de l’entreprise et des comptes prévisionnels pour que cet expert apprécie la situation sociale et économique de l’établissement ?

Les attributions économiques des comités d’établissement et du comité central d’entreprise sont de même nature (mêmes attributions consultatives et mêmes prérogatives) mais leur étendue diffère. Elles sont en principe limitées par les pouvoirs confiés au chef d’établissement par la direction d’entreprise. C’est pourquoi dans l’hypothèse où un chef d’établissement est saisi d’une demande d’expertise des comptes, il répond généralement que l’expertise comptable au niveau de l’établissement est impossible car, d’une part, les comptes sont consolidés au niveau de l’entreprise et, d’autre part, qu’il n’existe pas en règle générale, de documents comptables propres à l’établissement. L’expertise serait alors sans objet.

En l’espèce, une société demandait au juge des référés de prononcer à titre conservatoire la suspension d’une mesure d’expertise des comptes annuels votée par un comité d’établissement. Elle estimait que le juge n’était pas compétent pour se prononcer sur le fond de l’affaire car il existait un différend sur le droit du comité d’établissement d’ordonner une expertise en matière économique et financière, le directeur de l’établissement n’ayant pas de pouvoir financier et les comptes n’étant pas établis au niveau de l’établissement.

Le TGI de Nanterre déboute l’employeur de sa demande de suspension. Et il se déclare également compétent pour examiner le bien-fondé de la demande du comité dans la mesure où le droit pour un comité d’entreprise ou d’établissement d’avoir recours à une expertise comptable n’est subordonné à aucune condition. Selon le juge, compte tenu du caractère absolu du droit du comité de faire appel à un expert, ce droit ne peut pas être une question qui nécessite un débat au fond car ce dernier aurait pour conséquence de retarder l’exercice de prérogatives des salariés.

Il s’agit d’une solution logique, car les comptabilités des établissements sont souvent calquées sur celle du siège social. Aussi, lorsque les pouvoirs du chef d’établissement comportent des attributions économiques et financières entraînant un devoir de consultation du comité d’établissement, celui-ci peut demander l’assistance d’un expert-comptable rémunéré par l’employeur pour l’examen annuel des comptes de l’établissement. La Cour de cassation avait déjà déclaré justifiée la demande d’assistance d’un comité d’établissement par un expert-comptable rémunéré par l’employeur en vue de l’examen annuel des comptes d’une succursale Renault (cass. soc., 14 décembre 1999, n°98-16.810) ou de centres de soins rassemblés au sein d’un même établissement (cass. soc., 11 mars 1992, n°89-20.670).

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