Arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2014, n°13-20.614

 

Pas de cessation automatique du mandat en cas de désaffiliation syndicale d’un membre du comité de groupe

 

L’essentiel : Le changement d’affiliation d’un élu au comité d’entreprise, désigné par son syndicat d’appartenance d’origine pour siéger au comité de groupe, n’autorise pas ce syndicat à mettre fin au mandat de l’intéressé au sein du comité de groupe en cours d’exercice.

Les membres du comité de groupe sont certes désignés par les syndicats mais ça ne fait pas d’euxdes représentants de leur syndicat au sein du comité de groupe. Ils sont bien représentants du personnel au comité de groupe. Qu’ils changent de syndicat en cours de route, ou même qu’ils décident de ne plus avoir d’appartenance syndicale, ils n’en restent pas moins membre du comité de groupe.

En l’espèce, Mme R. élue au comité d’entreprise sur la liste CFDT et affiliée à ce syndicat, avait été désignée le 13 juillet 2012 par la Fédération Chimie et énergie CFDT pour siéger comme membre titulaire au troisième collège lors du renouvellement de la représentation du personnel au sein du comité de groupe Novertis Pharma. Quelques mois plus tard, pour des raisons que l’on ignore Mme R s’est désaffiliée de ce syndicat. Pensant que le siège occupé au sein du comité de groupe était à nouveau libre la CFDT a alors décidé de la remplacer, et a informé le président du comité qu’elle désignait M. d’A., suppléant, pour assurer son remplacement, le 8 avril 2013. La société Novertis Pharma conteste ce remplacement et saisit le tribunal d’instance du litige né à l’occasion de cette désignation.

Le tribunal retient alors que le représentant d’un syndicat au comité de groupe n’est désigné à cette fonction que dans le cadre d’un mandat syndical, et non en conséquence du résultat d’un scrutin professionnel. Par conséquent, si le représentant décide de se désaffilier du syndicat qui l’a choisi pour remplir cette fonction, il ne peut donc plus bénéficier du mandat de nature syndical, qui cesse alors automatiquement. Le tribunal d’instance annule donc la désignation de Mme R., en qualité de membre du comité de groupe.

Mme R. se pourvoit alors en cassation.

La solution dépendait du rôle qu’on attribue au membre d’un comité de groupe : fallait-il prévaloir le fait que Mme R. avait été placé là par une organisation syndicale ou bien le fait qu’elle ait été choisie parmi les membres élus d’un comité d’entreprise ?

Premièrement, le mode de désignation des membres du comité de groupe est ambigü : un accord collectif détermine le nombre de sièges et leur répartition par collège, puis les sièges affectés à chaque collège sont répartis entre les organisations syndicales représentatives proportionnellement au nombre d’élus qu’elles ont obtenu dans ces collèges, selon la règle de la représentation proportionnelle au plus fort reste (article L. 2333-4 c. trav.). De plus, les organisations syndicales désignent librement leurs représentants au comité de groupe parmi leurs élus (titulaires ou suppléants) aux comités d’entreprise ou d’établissement des entreprises constitutives du groupe.

Il existe donc un lien très fort entre les syndicats et les membres du comité de groupe. La cour de cassation avait d’ailleurs estimé qu’un syndicat ne pouvait y désigner qu’un représentant du personnel ayant été élu sur sa propre liste (cass. soc. 31 mars 2009, n°08-60.482).

Deuxièmement, la loi n’a pas prévu de représentants syndicaux au comité de groupe. Les partenaires sociaux peuvent en instituer par accord (cass. soc. 8 décembre 2004, n°03-60.284).

C’est pour ces deux raisons, que  la CFDT a considéré que les membres du comité de groupe étaient d’abord des représentants du syndicat les ayant désignés : « si le représentant décide de se désaffilier de l’organisation syndicale qui l’a choisi pour remplir cette fonction, il ne peut plus bénéficier du mandat de nature syndical qui cesse automatiquement ».

A contrario, l’employeur s’est attaché avant tout à la qualité d‘élu : « il résulte de l’article L 2333-2 du code du travail que les personnes désignées par les organisations syndicales pour siéger au comité de groupe sont des représentants du personnel élus aux comités d’entreprise ou d’établissement de l’ensemble des entreprises du groupe ; que leur désignation dépend dès lors, avant tout, du résultat d’un scrutin professionnel ».

La cour de cassation casse le jugement rendu par le tribunal d’instance au visa de l’article L 2323-1 du code du travail, qui définit pourtant le rôle du comité d’entreprise et non pas du comité de groupe : « Le comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évaluation économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ».Le rôle de membre du comité de groupe n’est donc qu’une prolongation de la mission d’élu au comité d’entreprise.

La cour de cassation a affirmé « que le changement d’affiliation d’un élu au comité d’entreprise, n’autorisait pas ce syndicat à mettre fin au mandat de l’intéressé au sein du comité de groupe en cours d’exercice. »

 

 

 

 

 

 

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