Cass. Soc. 09 juillet 2014 n° 13-16.151
La libre circulation des représentants du personnel au sein de l’entreprise : attention aux zones à caractère hautement confidentiel
La Cour de Cassation considère qu’en raison du caractère hautement confidentiel des zones considérées, il n’y a pas atteinte au principe de la libre circulation des représentants du personnel dès lors que la procédure d’accès aux zones confidentielles de l’entreprise ne vise qu’à s’assurer de la qualité de salarié de l’entreprise et de son statut de représentant du personnel, sans juger de l’opportunité de la demande d’accès après vérification.
En l’espèce, un accord sur l’exercice du droit syndical au sein de la société Peugeot Citroën a été conclu le 22 décembre 2009. Concernant la liberté de circulation des représentants du personnel celui-ci stipule que « les salariés mandatés se déplacent librement au sein ou hors de l’établissement durant les heures de délégation, sous réserve de pouvoir justifier d’une part, de leur appartenance à l’entreprise, et, d’autre part, de leur statut de représentant du personnel ». Il est précisé que « les salariés mandatés, en particulier du CHSCT, ont libre accès aux zones confidentielles dans le cadre des procédures d’accès applicables aux salariés autorisés. Ces procédures d’accès aux zones confidentielles et la validation des badges seront effectuées localement avec la direction du secteur concerné ».
Le syndicat Symnes CFDT et des salariés, en leur qualité de délégués du personnel, ont saisi le tribunal de grande instance considérant que la procédure mise en place portait atteinte à la libre circulation des représentants du personnel. Ils demandent que l’employeur délivre à tous les salariés mandatés des badges les habilitant à accéder sans restriction aux zones de niveau 3 et que leur soient alloués des dommages-intérêts.
Mais il est fait appel de la décision du tribunal et la Cour d’appel considère que, dans la mesure où les salariés investis d’un mandat représentatif désirant accéder aux zones confidentielles de l’établissement, dites « zones de niveau 3 », sont tenus de se présenter à l’entrée des services et de joindre le responsable de zone, lequel, après vérification de leurs nom, prénom, identifiant et qualité de représentant du personnel, autorise leur accès au service considéré, une telle procédure n’a pas pour effet de subordonner l’accès des représentants du personnel aux zones confidentielles à une autorisation préalable et, partant, ne porte pas atteinte à leur droit de circuler librement dans l’entreprise.
Pour la Cour, les restrictions ainsi apportées à la libre circulation des représentants du personnel trouvent leur justification dans la nécessité de respecter la liberté d’entreprendre de la société Peugeot Citroën.
Le syndicat Symnes CFDT et les salariés délégués du personnel se pourvoient en cassation.
Mais, la Cour de Cassation rejoint l’avis des juges du fonds en constatant d’abord que « la procédure applicable pour accéder aux zones confidentielles de niveau 3 avait pour seul objet de s’assurer de l’appartenance du salarié à l’établissement et de son statut de représentant du personnel préalablement à l’accès à ces zones, le responsable de celles-ci ne disposant d’aucun droit de regard sur l’opportunité de la demande d’accès et devant faire droit à celle-ci après avoir procédé aux vérifications prévues ». Puis, en énonçant ensuite que « l’accord d’entreprise relatif au droit syndical ne prévoyait pas l’attribution aux représentants du personnel d’un badge leur donnant accès aux zones en cause, au même titre que les salariés y travaillant », que c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit « que la procédure contestée, justifiée au regard du caractère hautement confidentiel de ces zones, ne méconnaissait ni les exigences découlant de la liberté de circulation reconnue aux représentants du personnel à l’intérieur de l’entreprise ni celles résultant de l’accord d’entreprise ».
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation autorise encore une fois, l’aménagement des conditions d’exercice de la libre circulation des représentants du personnel au sein de l’entreprise. Mais, la justification est cette fois-ci différente.
Il faut rappeler que le code du travail autorise les représentants du personnel, pour l’exercice de leurs fonctions, à circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Mais il est de jurisprudence constante que l’employeur peut aménager les conditions d’exercice de la libre circulation.
Pour notamment des impératifs de santé et sécurité ou de bonne marche de l’entreprise, il peut mettre en place un système de contrôle d’accès, sans créer de restriction à leur liberté d’aller et venir, et à condition que ce système soit proportionné au but recherché. Il devra fixer les modalités d’accès à ces zones avec les représentants du personnel et/ou les syndicats, sous réserve qu’elles n’aient pas pour effet de limiter l’exercice de leur mandat ni leurs fonctions.
La Cour de Cassation a déjà admis que « le principe de la libre circulation n’interdit pas à l’employeur, responsable de la sécurité et de la bonne marche de l’entreprise, d’exiger de ceux qui y circulent la justification de leur qualité de représentant du personnel ». A condition que le système d’autorisation d’accès ne soit pas complexe au point de neutraliser la libre circulation des représentants du personnel à l’intérieur des locaux de l’entreprise.
Mais, dans ses décisions antérieures, la Cour de Cassation considérait toujours les raisons de santé et de sécurité pour limiter l’accès de telles ou telles parties de l’entreprise aux représentants du personnel.
En l’espèce, il n’est fait référence à aucune mesure de santé, d’hygiène ou de sécurité, ni même à la bonne marche de l’entreprise, pour justifier l’aménagement d’accès opéré par la direction de l’entreprise.
La Cour de Cassation évoque le « caractère hautement confidentiel » des zones concernées sans préciser ce que sont exactement, (et comment les définir à l’avenir) des « zones à caractère hautement confidentiel ».
09 mars, 2015