Cass. soc. 5 novembre 2014 n°13-14.077

 

Par application de la Convention collective nationale des industries de la transformation des volailles du 10 juillet 1996, les salariés soumis au travail continu qui effectuaient chaque jour 7h30 de travail effectif bénéficiaient d’une pause intégralement rémunérée de 30 minutes par jour. Un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail décida que les salariés seraient rémunérés sur une base de 35 heures pour 32h30 de travail effectif et 2h30 de pause. Cet accord a été dénoncé le 2 avril 2003 sans qu’aucun accord de substitution n’ait été conclu dans les quinze mois suivants.

Les salariés ont par la suite été rémunérés sur une base de 35h, cette fois pour 35h de travail effectif, perdant ainsi le bénéfice du temps de pause rémunéré comme du temps de travail effectif. Ils ont saisi la juridiction prud’homale estimant qu’en l’absence de conclusion de tout accord de substitution, l’employeur ne pouvait unilatéralement mettre un terme à la rémunération du temps de pause journalier, qu’ils analysaient en un avantage individuel acquis incorporé au contrat de travail.

La cour d’appel a rejeté leur demande en retenant que le maintien de la rémunération de ces temps au profit des seuls salariés qui faisaient partie des effectifs au jour de la dénonciation de l’accord du 23 décembre 1999, serait incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les deux entreprises concernées de l’UES. En effet, cela impliquerait que ces salariés, pour conserver dans leur globalité leurs avantages antérieurs à la dénonciation, travaillent trente minutes de moins par jour que le temps de travail fixé par les employeurs.

Dans un arrêt publié au bulletin – les prochaines décisions sur cette question nous indiqueront si la Cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence – la Chambre sociale censure l’arrêt d’appel, estimant que « le maintien de la rémunération du temps de pause constituait pour chacun des salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation de l’accord du 23 décembre 1999, non suivie d’un accord de substitution, un avantage individuel acquis ». Rappelant la définition de l’avantage individuel acquis depuis 2001 : un avantage qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l’accord collectif procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel »[1].

Concernant le temps de pause, on sait que l’article L. 3121-33 du code du travail octroie le droit à une pause de 20 minutes toutes les six heures de travail, sans que celle-ci ne soit considérée comme un temps de travail effectif.

En l’espèce, l’accord collectif prévoyait que le temps de travail incluait 32h30 de travail effectif et 2h30 de pause. La dénonciation de l’accord, non suivie de la conclusion d’un accord de substitution, oblige alors à s’interroger sur la qualification de la rémunération du temps de pause : est-ce un avantage individuel (c’est-à-dire une rémunération ou un droit dont le salarié bénéficiait à titre individuel) ou collectif ? Le doute était permis puisque cet avantage assure un bénéfice personnel au salarié mais a également un impact sur l’organisation collective du temps de travail. Mais le doute semble levé, la Cour de cassation imposant de retenir la qualification d’avantage individuel. La question est délicate dans la mesure où les avantages portent à la fois sur la rémunération et sur une organisation collective du temps de travail.

Ici la Cour de cassation considère que dès lors qu’elle vise le maintien d’une rémunération, la disposition constitue un avantage individuel. La solution n’est donc pas nouvelle mais elle semble aller à l’encontre d’une autre décision. En effet, le 8 juin 2011[2], la Cour de cassation avait décidé que « constitue, notamment, un avantage collectif, et non un avantage individuel acquis, celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l’ensemble des salariés concernés de l’organisation collective du temps de travail qui leur est désormais applicable ».

Dans l’affaire en cause, la cour d’appel avait considéré que le bénéfice d’une pause de quarante-cinq minutes considérée comme du temps de travail effectif devait être maintenu aux salariés de l’entreprise cédante en ce qu’il s’agirait d’un avantage individuel définissant la structure de la rémunération, mais la Cour de cassation s’était opposée à cette argumentation en indiquant que « le maintien de cet avantage était incompatible avec le respect par les salariés concernés de l’organisation collective du travail qui leur était applicable, puisque cela les conduisait à travailler 45 minutes de moins que le temps de travail fixé, ce dont (la cour d’appel) aurait dû déduire que cet avantage ne constituait pas un avantage individuel acquis par les salariés ». Ainsi, on avait pu comprendre que dès lors que l’avantage touchait à l’organisation collective du travail, il ne pouvait être qualifié d’individuel.

[1] Cass. soc. 13.03.2001 n°99-45.651

[2]Cass. soc 08.06.2011 n°10-14.725

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