Modalité de la procédure probatoire de la discrimination syndicale : la preuve de son absence

 

CA de Bordeaux 08 octobre 2014 n° 12-03.253

 

La Cour d’Appel de Bordeaux considère que l’obligation de neutralité et le degré de responsabilité inhérent à un poste de cadre supérieur peuvent légitimement être pris en compte par l’employeur pour justifier l’absence de promotion professionnelle d’un salarié protégé, et sont objectivement étrangers à toute discrimination syndicale.

En l’espèce, M.X. cadre de la SNCF depuis 1980 et titulaire de différents mandats syndicaux depuis 1993, sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Débouté de ses demandes par le Conseil de prud’hommes de Bordeaux, il interjette appel de la décision auprès de la Cour d’appel de Bordeaux et invoque notamment des faits constitutifs de discrimination syndicale à l’appui de sa demande.

M.X… soutient avoir été victime de discrimination, notamment syndicale dans son évolution professionnelle depuis 1995, date depuis laquelle il n’évolue plus. Il reproche à son employeur de l’avoir retiré du « vivier 1 » de la société permettant d’être affecté à un poste de cadre supérieur et d’avoir également tenté de le mettre d’office à la retraite en 2006, avant de le mettre à la disposition permanente de son syndicat depuis janvier 2007.

La Cour d’appel de Bordeaux a écarté certains éléments, mais a retenu la mise à la retraite et le retrait du salarié du « vivier 1 » pour envisager l’existence d’une discrimination fondée sur l’activité syndicale du salarié : « Ces deux éléments permettent de présumer une discrimination syndicale et il appartient à l’employeur de justifier des éléments objectifs ayant fondé ces décisions ».

Mais, eu égard aux éléments contradictoires apportés par la société, elle va finalement conclure que les manquements allégués par le salarié, notamment du fait de discrimination syndicale, ne sont pas établis et va débouter ce dernier de l’intégralité de ses demandes.

La Cour retient notamment l’argument de la SNCF concernant la personnalité du salarié et  considère « qu’au regard de la neutralité qu’un employeur est en droit d’attendre d’un cadre supérieur, le caractère provocateur du salarié était incompatible avec le degré de responsabilité qu’impliquait un poste de cadre supérieur », précisant « que ces éléments de personnalité qui sont essentiels pour des cadres supérieurs ont pu légitimement être pris en compte par la SNCF pour considérer que le potentiel détecté chez M. X pour occuper un poste à très haute responsabilité ne s’était pas confirmé et ne pas le maintenir sur cette liste « vivier 1 » dans la perspective, toujours éventuelle, de le nommer ultérieurement sur un poste de classe1. Cette première décision de l’employeur est donc justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout comportement discriminatoire ».

Dans cet arrêt, la Cour d’Appel de Bordeaux fait une stricte application de l’article L.1134-1 du code du travail concernant le régime probatoire spécifique de la discrimination syndicale.

Les juges du fond vont devoir minutieusement analyser, contrôler et vérifier les faits allégués par le salarié d’abord et ceux allégués par l’employeur ensuite, dans leur globalité et de façon souveraine avant de se prononcer[1].

Ils vont ainsi considérer que l’absence d’évolution professionnelle ne découle pas de discrimination syndicale mais qu’elle est objectivement liée au manque de neutralité du salarié et au degré de responsabilité inhérent au poste de cadre supérieur.

La doctrine va ainsi retenir que sous couvert de l’obligation de neutralité, la Cour d’Appel de Bordeaux va apprécier comme élément objectif un élément de la personnalité du salarié, un critère potentiellement à la frontière de l’atteinte à la liberté d’expression du salarié, plus étendue pour un représentant du personnel et très défendue par la Cour de Cassation.

Elle souligne aussi l’exemplarité de la décision des juges du fond tant dans leur analyse que dans la cohérence de leur raisonnement et la pertinence de leur conclusion.

 

[1] Cass. soc. 6 juill. 2011, n°10-13.960 ; Cass. soc. 29 juin 2011, n°10-15.792

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