Le projet de loi de réforme du droit du travail de Myriam El Khomri  a été présenté lundi dernier aux partenaires sociaux par  le Premier Ministre comprenant les dernières modifications apportées au projet. Cette nouvelle version sera présentée le 24 mars prochain en Conseil des Ministres.

Ce projet a été élaboré en s’appuyant  à la fois sur le rapport Badinter et sur le Rapport Combrexelle, reprenant leurs principales préconisations, en vue de réécrire le code du travail.

Le gouvernement espère ainsi, grâce à ce projet, augmenter la croissance et accroître l’emploi à travers la formation professionnelle, le renfort du dialogue social et le recours plus favorable au CDI.

 

Ce que prévoit principalement le projet de loi 

 

 Le gouvernement souhaitait imposer un plafond d’indemnisation au juge prud’homal pour les salariés victimes d’un licenciement abusif. Finalement ce dernier est revenu sur sa position en lui substituant un barème indicatif des indemnités prud’homales. Ce barème n’ayant pas de valeur normative, ne figurera pas dans la loi, mais sera « un référentiel national sur lequel le juge peut s’appuyer ».

  • Il est prévu une réécriture totale des dispositions du Code du travail relatives à la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés, dans le respect de la durée légale des 35 heures.
  • Le projet de loi maintiendrait la possibilité pour l’entreprise de licencier au motif d’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, de pertes d’exploitation ou d’une importante dégradation de l’entreprise. Les critères pris en compte pour apprécier ces difficultés économiques (par exemple, la durée des pertes d’exploitation) pourraient être fixés par accord de branche. Ce n’est qu’à défaut d’accord que les critères prévus par le Code du travail s’appliqueraient.

L’appréciation de ces difficultés économiques se ferait dans le secteur d’activité de l’entreprise au niveau national, même si celle-ci appartient à un groupe dont les autres filiales à l’étranger sont bénéficiaires.

Il appartiendra alors au juge de vérifier que les difficultés économiques avancées par l’entreprise n’ont pas été « créées artificiellement pour procéder à des suppressions d’emplois ».

  • L’article 12 du nouveau texte confirme l’instauration de l’accord majoritaire (signés par des organisations syndicales représentant au moins 50% des suffrages exprimés par les électeurs) et la possibilité de recourir à un référendum des salariés pour faire valider un accord minoritaire (signé par un ou des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des voix aux élections professionnelles).

Le référendum pourra être demandé par un ou plusieurs des syndicats signataires, mais pas par la direction de l’entreprise. La consultation est organisée à l’issue d’un délai de huit jours après la demande. Elle peut se faire par vote électronique si l’employeur et les syndicats signataires concluent un protocole spécifique.

Ces dispositions s’appliqueraient dans un premier temps, qu’aux accords portant « sur la durée du travail, les repos et les congés ». Le dispositif serait généralisé à tous les accords « au plus tard le 1er septembre 2019 ».

Ainsi, afin de permettre aux entreprises de s’adapter à des pics d’activité ou de faire face à de gros projets, il serait possible, par accord d’entreprise, de moduler le temps de travail sur une période supérieure à un an, sous réserve d’un accord de branche, sans pouvoir aller au-delà de 3 ans.

Les dispositions relatives à la révision et à la dénonciation des accords collectifs seraient rénovées. Leurs conditions d’accès seraient plus faciles, notamment par leur mise en ligne.

 

  • Il est néanmoins précisé que les accords collectifs qui visent à préserver ou à développer l’emploi, pourraient, avec l’accord du salarié, se substituer au contrat de travail, sans toutefois avoir pour effet de diminuer sa rémunération mensuelle.

 

Le nombre de branches serait réduit, le but étant de passer de 750 branches actuellement à 200 dans 3 ans avec une étape intermédiaire de 400 branches à la fin de l’année 2016.

Les branches auraient notamment pour rôle de définir un socle social applicable à tous les salariés et d’encadrer certaines souplesses désormais offertes aux entreprises comme la modulation du temps de travail sur une période supérieure à l’année.

En outre, elles pourraient conclure des accords-types directement applicables dans les TPE-PME.

  • Les heures de délégation des délégués syndicaux seraient augmentées de 20 %, et la formation des négociateurs renforcée.

 

 

Quelques réserves émises sur le projet de loi portant réforme du droit du travail

 

Malgré les nouvelles propositions du Gouvernement aux partenaires sociaux, il semblerait que ce projet de loi comporte quelques lacunes et quelques contradictions, suscitant encore la plus grande interrogation quant au respect des droits des salariés acquis ultérieurement.

 

  • Il est prévu en effet dans la réécriture du code du travail de redéfinir, d’un côté les principes d’ordre public, c’est à dire des règles impératives auxquelles on ne peut déroger, et de l’autre le champ de la négociation collective.

Par exemple, il est prévu qu’un accord collectif pourra modifier la période de référence du décompte des heures supplémentaires pouvant aller jusqu’à 3 ans. Or, il est d’ordre public que les heures supplémentaires se décomptent sur la semaine.

La limite entre ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas n’est pas, dans ce cas, précisément définie.

 

  • Malgré le contenu volumineux du projet, celui-ci ne dit pas grand-chose sur le droit à la santé du salarié sinon pour en restreindre l’étendue en matière d’heure de repos.

 

  • Il n’est pas question non plus des droits d’alerte des représentants du personnel, du principe de l’effet utile de l’information et de la consultation, de l’interdiction des discriminations à l’embauche…

 

  • Certaines dispositions viennent réviser ce qui venait d’être posé, puis modifié par la récente loi Macron, comme les thèmes de négociation obligatoire dans l’entreprise, la durée minimale du temps de travail à temps partiel, les formations éligibles au compte personnel de formation…

 

  • Concernant les accords collectifs qui visent à préserver ou à développer l’emploi, qui pourraient, avec l’accord du salarié, se substituer au contrat de travail, il est prévu qu’en cas de refus du salarié celui-ci pourrait être licencié pour motif personnel et non pour motif économique, malgré l’existences de difficultés économiques ayant motivé la mise en place de l’accord.

Or, nous savons que les conséquences d’un licenciement pour motif personnel ne sont pas les mêmes que celles d’un licenciement pour motif économique.

 

  • Sur l’étendue des motifs de licenciement économique et leur appréciation au sein d’un groupe, la différence entre stratégie de compétitivité et perte volontaire d’une filiale ne sera pas aisée.

Le projet de loi parle de difficultés économiques qui auraient été créés « artificiellement ». Mais ce terme «  artificiellement » ne fait référence à aucune jurisprudence existante qui considère « l’attitude intentionnelle et frauduleuse de l’employeur » déjà bien définie. Cette utilisation pourrait, à l’avenir, présager certaines difficultés d’interprétation par les différentes juridictions.

Ainsi, il apparait qu’un certain nombre d’éléments du projet de loi sur la réforme du droit du travail ne favorise ni la sécurité juridique, ni la protection des droits fondamentaux du salarié, permettant quelque peu à l’entreprise de gagner en autorité.

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