Validité de la rupture conventionnelle conclue pendant une période de suspension du contrat de travail:

 

Cass.soc., 30 septembre 2014, n°13-16.297, FS-P+B+R

 

La validité de la rupture conventionnelle conclue pendant une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail sauf fraude ou vice du consentement

En l’espèce, une dizaine de jours après avoir été victime d’un accident de travail, une salariée avait repris son travail sans avoir été convoquée à une visite de reprise par le médecin du travail. Par conséquent, son contrat restait suspendu. Cinq mois après, une convention de rupture a été conclue et homologuée par l’inspecteur du travail. La salariée saisit ensuite le juge pour que la convention de rupture soit jugée nulle et elle réclame des dommages-intérêts pour licenciement nul.

La Cour d’appel de Lyon la déboute de ses demandes et juge que l’article L.1226-9 du Code du travail ne prohibe que la rupture unilatérale du contrat et non celle d’un commun accord.

La salariée forme un pourvoi en cassation et se prévaut de l’article L.1226-9 du Code du travail en estimant qu’au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut pas faire signer au salarié une rupture conventionnelle sous peine de nullité.

 

La rupture conventionnelle conclue par un salarié pendant une période de suspension de son contrat suite à un accident de travail était-elle valable quand bien même le licenciement n’était pas autorisé ?

La Cour de cassation, rejette le pourvoi et considère que « la Cour d’appel a retenu à bon droit que, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle».

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la Cour de cassation s’écarte de la position de l’administration exprimée dans une circulaire[1] en date du 17 Mars 2009. Cette dernière avait apporté des précisions et opéré une distinction. Pour ceux qui bénéficiaient d’une protection particulière (congé maternité, AT) aucune rupture conventionnelle n’était admise. A l’inverse, dans les autres cas de figure, la rupture conventionnelle était possible. Par exemple, la Cour de cassation a validé ce type de rupture en cas de maladie non professionnelle[2].

L’administration souhaitait donc s’assurer qu’il n’y avait pas de contournement des procédures et des garanties légales.

La Haute Juridiction avait également écarté la possibilité de rompre le contrat de travail d’un commun accord, au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un AT/MP[3]. De jurisprudence bien établie, la Cour de cassation estimait que tant qu’une visite de reprise n’a pas eu lieu, le contrat était suspendu et donc le licenciement était nul[4] . En 2011[5], elle a jugé qu’en l’absence d’une visite de reprise le contrat était suspendu et ne peut être résilié qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident, conformément à l’article L.1226-9 du Code du travail.

La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et fait une interprétation littérale de l’article L.1226-9 du Code du travail. Cet article ne vise que l’interdiction de la rupture unilatérale et non celle d’un commun accord. Cette possibilité restait ouverte d’autant plus que la Cour de cassation est venue interdire la conclusion de conventions de rupture en cas de PSE ou de GPEC mais ne l’a pas interdit en cas de suspension du contrat.

Cependant, si la Cour de cassation admet une telle validité, elle pose aussi deux conditions. Pour qu’une convention soit valable il ne faut pas de fraude, ni de vice de consentement.

Ces deux limites avaient déjà été posées antérieurement dans un arrêt en date du 28 mai 2014[6].

La Cour de cassation élargit le domaine de la rupture conventionnelle car dans cette affaire la salariée n’aurait pas pu être licenciée.

Les motifs retenus par la Cour de cassation permettent de penser que l’arrêt ne se limite pas aux AT/MP. Il va de soi que la Cour de cassation devrait admettre la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec une salariée en congé maternité.

Une extension à d’autres périodes comme le congé d’adoption est envisageable.

Cette extension paraît plus compliquée en ce concerne des salariés déclarés inapte puisqu’on peut craindre que l’employeur en use pour échapper à son obligation de reclassement.

 

[1] Circulaire DGT N°2009-04 du 17 Mars 2009 relative à la rupture conventionnelle d’un CDI

[2] Cass.soc., 30 Septembre 2013, n° 12-19.711

[3] Cass.soc., 4 janvier 2000, n°97-44.566

[4] Cass.soc., 28 novembre 2006, n° 05-44.252

[5] Cass.soc., 22 juin 2011, n°10-14.316

[6] Cass.soc., 28 mai 2014, n°12-28.082

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